Des nouvelles du royaume des morts... lettre quatrième

Lettre quatrième

Au départ, je n’ai pas compris pourquoi l’accès m’était interdit. Rien n’est arrivé, il ne s’est tout simplement rien passé. J’ai attendu, et attendu encore, rien. Je n’avais pas envie de rentrer chez moi. De toute façon, depuis ma dernière visite, je n’étais plus à ma place dans ce logement. Pourtant, j’y vis depuis tout petit, j’y suis né. Ce logement, il est autant moi que je suis lui. Enfin, je devrais employer le passé. Je ne le fais pas, car je pense que cela va s’arranger bientôt. J’ai compris une chose : les visites dans l’outre monde ne sont pas sans conséquence. Plus précisément, les rencontres.

Mais commençons par le début. J’arrive à l’appartement. C’était juste au retour de mon troisième voyage de l’autre côté du monde. J’étais encore sous l’emprise de ce transport. Plus exactement, c’était ce que j’avais pensé. Ça a commencé par la clef que j’ai sortie pour ouvrir la porte. Je l’ai regardé comme une chose qui n’était pas à moi. Le porte-clef Harley, auquel elles étaient accrochées, m’est apparu comme une incongruité. J'ouvre avec une forte appréhension. Je passe le seuil, je n’ai pas pu aller plus loin. Ce lieu n’était plus le mien. J’avais l’impression désagréable, d’entrer par effraction chez un inconnu. Sur l’instant, je n’ai pas fait attention à une certaine excitation qui prenait possession de moi. Le plaisir de pénétrer l'intimité d'un homme. De me glisser en lui, découvrant ce qu'il était, à la fois me mettait mal à l'aise et en même temps, me procurait une jouissance immense. J'avais envie de moi comme s'il ne s'agissait pas de moi. C'était ma maison tout en ne l'étant pas. Je n'étais plus moi. Il m'a fallu du temps pour comprendre que mon esprit était envahi de l'essence d'une autre. Celle que j'avais à peine croisée dans l'autre monde. Depuis, je la connais comme je me connais.  Se trouver dans l'outre monde avec les non-êtres,  s'est emporter au plus profond de soi, leur odeur corporelle, leur intimité la plus secrète. De la même façon qu'une odeur s'immisce dans les vêtements, la présence de cette femme, son esprit, ont pris possession de moi. Heureusement, tout comme les odeurs, cela s'estompe.  Voilà pourquoi je peux, en cet instant,  vous en dire quelque chose. Je suis soulagé vous n'imaginez pas. Même s'il m'arrive encore de désirer être possédé par un homme, qu'il me prenne et entre en moi. J'ai des envies de sous-vêtements et d'habits qui m'effrayent. Et il est si difficile de lutter. Pour cette nuit, encore une fois, je vais dormir à l'hôtel. Demain, c'est juré je rentre chez moi. Je vais déjà beaucoup mieux.  Je le sens.  

Voilà pourquoi je n'ai pu entreprendre mon quatrième voyage. Je n'étais plus moi-même ! Je prépare ma prochaine visite dans l'outre monde avec une certaine appréhension (lettre 5). 

Votre visiteur qui n'est plus...