Le voyageur internautique a repris du galon.

voyage dans le Pré d'Asphodèles

Je suis monté à bord de mon vaisseau. J'ai fait un peu le ménage. Puis j'ai réparé les avaries dues à la rouille. D'un coup d'électrode, j'ai fait jaillir les étincelles. Une fois, deux fois, trois fois, et le moteur a ronronné de nouveau. Ça sentait la gazoline à plein nez, la gazoline et l'eau salée, à cause de l'océan neuronale. Un petit tour en rade cybernétique pour vérifier que tout fonctionnait bien, une visite chez les copains amarrés à quai, une dernière bière au bistrot du port, la bise à ma bien-aimée, puis j'ai largué les amarres, hissé la grand-voile, soufflé dans la corne de brume en doublant le sémaphore, puis j'ai versé une larme.

Pas bien loin, sur un îlot de solitude, j'ai accosté. Je n'étais pas fatigué, je me suis adossé au premier arbre pour, le nez dans les étoiles, déverser mes gribouillis, des mots et des lettres, une marée d'inexactitude. Un peu trop vite, je m'étais installé, un peu trop vite j'avais baissé ma garde, pas vu les racines, pas vu les branches démesurées qui mouchaient leur misère en la bande que le ciel déroulait. Une bande lumineuse, une étoile du Nord et un morceau de lune que la voie lactée enrubannait. Agrippé par les fibres ligneuses de l'arborescence florale, je fus happé par les voûtes spectrales du sous-sol végétal, emporté, je tombais et tombe encore dans une dégringolade de verbes, d'adjectifs, forme nominale qui dit l'absence. Abasourdit par tant d'enfouissement, je baissais pavillon pour hisser le drapeau noir. Pas de quartiers avec les envahisseurs d'âmes. Délétère, j'ai pris la seule décision qui vaille, la seule que je sais : un collage de lettres pour faire une échelle de mots.

Un grand merci pour ce moment d’apaisement dans Le Pré d'Asphodèles