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Le voyageur internautique
17 avril 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 52

maurepas4 n°52

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 52

La route que suivait Maurepas s'éloignait de la côte pour s'enfoncer dans une garrigue de buissons parsemés çà et là de petits arbres. Les genêts se battaient avec les touffes de lavandes dont les effluves odorants se mariaient agréablement avec celles du thym sauvage et de la sauge.  Il avançait, les mains dans les poches, les yeux hagards tel un être fantomatique. Ce n'est qu'après une bonne heure de marche dans la poussière de la route qu'il émergea de son rêve éveillé. Le souvenir vaporeux du mas de Galleta lui revint en mémoire. Ce qu'il y avait fait, il était bien incapable de le dire avec précision. Il lui semblait y avoir pris un encas, car des odeurs épaisses de nourriture qui mijote encombraient encore ses narines. Trois personnes autour d'une table, une femme dans sa cuisine et Galleta dans la pénombre, peut-être un bambin, il n'en était pas certain. 

Il poursuivit sa route sous un soleil ardent qui brûlait la végétation d'une lumière qui donnait aux couleurs une blancheur fatigante pour le regard.  L'eau lui manquait, mais il avait une capacité à oublier la soif. Il se contentait de mâchouiller un brin d'herbe ou la racine de gentiane, quand il en trouvait. Mais ici l'altitude était trop faible pour qu'elle s'y plaise.

Il déboucha sur le port en plein midi. Les rues n'étaient pas encore désertées.  Les femmes accompagnées de leurs enfants trimbalaient leur panier, c'était jour où les paysans des campagnes environnantes descendaient avec leurs produits.  Ils se servaient de grandes planches sur deux roues, cela ressemblait à une sorte de brancard bien trop long.  Maurepas s'acheta une poignée de prunes d'un violet noir.  Plus loin, un marchand servait des crêpes épaisses faites de farine de pois chiche, d'une bonne dose d'eau et selon la richesse une large rasade d'huile d'olive. 

Maurepas s'était installé sur un muret, il délimitait la rue qui filait en contrebas. De là, il pouvait voir les quais de déchargement, désespérément vides.  De vieux débris encombraient la chaussée. Au centre de la rade, au mouillage, le trois-mâts n'avait pas quitté sa place. L'ensemble de l'équipage s'affairait, qui à débâcher les voiles, d'autres à enrouler les cordages, les derniers armés de balais-brosses  frottaient le pont à grande eau. Tous dans leur tenue ridicule d'un autre temps, bicorne vissé sur la tête.  

Maurepas essuya ses mains grasses sur la toile de son pantalon. À la graisse de l'huile d'olive se mélangeait le jus du fruit rouge. Il se leva, descendit la rue en direction de la capitainerie. En passant devant le bistrot, il salua Batista, le patron, qui lui rendit son bonjour d'un petit signe de tête.  Aucun des lascars qui faisaient partie de la clique d'Arturo ne se trouvait là.  

- Ne cherche pas les autres, ils ne mettent plus pieds ici.  Et je te conseille de faire de même. À bon entendeur. 

Maurepas, qui n'avait nullement l'intention de rentrer, poursuivit sa route. Arrivé devant la capitainerie, il trouva porte close.  Un peu plus loin, Pipo qui somnolait reconnu Maurrepas.  Il l'interpella sans se déplacer. 

- Le capitaine a foutu le camp, c'est pas la peine d'attendre. Le remplaçant n'arrivera que dans une semaine. 

Maurepas dévisagea le pauvre homme effondré dans un tas de fripes plus sales les unes que les autres. Il avait beaucoup maigri et vieilli. 

- Tu n'aurais pas un sou mon gars, pour un petit canon. 

Il se redressa un peu, ce n'est qu'à ce moment que Maurepas découvrit l'autre type, un des bras d'Arturo. En entendant qu'il était question d'un coup à boire, il avait tenté d'émerger de son coma. Maurepas sortit une pièce de sa bourse, il fit mine de la tendre à Pipo, puis retira sa main.  

- Où je peux trouver Mantine à cette heure ?

- Je ne sais pas, on ne l’a pas vue depuis un moment. 

Maurepas allait partir quand Pipo se leva tant bien que mal pour s'accrocher à Maurepas. 

- Allez, on est presque parents tous les deux. 

Maurepas resta silencieux, il s'apprêtait à repousser ce type crasseux qui empestait la merde. 

- Je ne sais pas où elle est, mais je sais avec qui elle avait un rencard. 

- Je t'écoute. 

- Donne la pièce d'abord. 

L'autre poivrot tentait de se lever en s'accrochant à son comparse. Pipo  lui assena un bon coup de savate pour s'en débarrasser et pouvoir négocier sa pièce en paix. En retombant sur son cul, l'autre gars bredouilla ce qui devait être des insultes, puis il replongea dans son coma. 

- Alors, la pièce. 

Maurepas jeta la pièce sur le sol, Pipo se baissa pour la ramasser après avoir regardé celui qui lui faisait face. Un reste de dignité avait passé dans son regard. Un reste dérisoire. Maurepas écrasa la main de Pipo avant qu’il ne se saisisse de l’argent.  

- Dis ce que tu as à dire. 

Pipo releva la tête, son visage montrait une grande tristesse et un profond désarroi. Il n'était plus humain, tout juste un rebut de la société qui aurait vendu père et mère s'il eut encore des parents.  

- La pipette…

- Mantine coupa Maurepas. 

- Mantine, se reprit Pipo, elle devait rejoindre Arturo sur l'embarcadère. Une barque devait les conduire là-bas. 

Le bras de Pipo désignait le trois-mâts. Maurepas retira sa chaussure de sur la main, puis il prit la direction de la baraque où vivait Mantine.  Dès qu'il eut le dos tourné, l'homme se releva, croqua sa pièce pour tester la validité, un reste d’habitude inutile, remontant à des temps immémoriaux. Il frappa son comparse à la figure, car il tentait  de lui chiper sa pièce. Une sorte de lutte au ralenti s’ensuivit, plutôt un emmêlement, Pipo finit par attraper l’avant-bras de son comparse, il le mordit profondément, y mettant toute ce qui lui restait de détermination, dans un hurlement l’autre lâcha prise. Lorsque Maurepas arriva devant la pauvre maison dans laquelle il avait été recueilli par Mantine, il trouva la porte entrouverte. À cette heure de l'après-midi, c'était l'habitude de Mantine, pour faire circuler un courant d’air frais. Devant la bâtisse, l'ombre bienfaisante mêlée à une brise légère apportait un peu de douceur. Maurepas s’étonna de la savoir là, ce n’était pas son habitude. Il était heureux de la revoir, de l’entendre, de la prendre dans ses bras et retrouver son odeur, sa douceur maternelle et sa mansuétude (épisode 53).

           Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode mardi 21 avril 2015

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