Logique implacable

Le désespoir ça revient à désespérer de son moi, c'est le vouloir autre que soi, et donc conduire infiniment cette délectation de la misère de soi.  Car il est malheureusement évident que si j'avais la possibilité de produire un autre moi que moi-même, de désespoir, il ne saurait point nécessaire.  Sauf à réussir son suicide. Le suicidé n'est que le parfait accomplissement de ce but ultime : faire de mon moi cet autre accompli, ce César aux lauriers de terreur.  Seulement, à peine a-t-il pris possession de son royaume qu'il doit le débarrasser de cet imposteur qui n'est autre que ce moi impénitent,  attendant impatient sa crucifixion. Mais point de résurrection, c'est une scission dont il est question. Une parthénogenèse  pour expulser un embryon mauvais qui empuantit mon ventre de vomissures indélicates. Me voilà armé d'une lance, transperçant le monstre bicéphale et débarrassant de mon moi ce moi qui n'est constitué que par la haine faite d'une méchanceté sans borne. Elle me précipite dans la tombe où je rejoins cet œil qui pourra désormais  voir l'être dont je fus libéré. Il ne s'agit pas de se tuer soi-même, mais pour le moi nouveau de tuer cet autre que je suis désormais à ses yeux. 

On ne se suicide pas parce qu'on est désespéré, on se suicide car on ne l'est plus. Le désespoir est la condition de l'homme, celui qui en échappe, échappe à sa condition. Il ne s'agit pas de se suicider, mais suicider en moi l'insupportable reflet de l'autre qui me voit advenir. 

Il y a des jours comme ça, où on se marre bien à la campagne…

Interprétation libre, issue d'une lecture de Kierkegaard : traité du désespoir.