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Le voyageur internautique
23 juin 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 70

maurepas5 n°70

Les tribulations de Maurepas
Quatrième partie
Vent de terre

Épisode 70

Maurepas chevauchait devant.  La matinée était bien avancée. Il s'en voulait d'avoir dormi si longtemps. Le soleil, pas encore brisé par les nuages d'altitude, glissait sur le fond de la vallée. Le vent patientait en se contentant d'une bonne brise avant de prendre son élan pour déverser sa fureur sur les pentes arides qui dominaient majestueusement. La poussière restait clouée au sol grâce à la rosée du matin. Pas très loin, dans la montée du chemin, suivait Petit Pierre. Il avait une capacité à tenir sur son cheval tout en dormant à moitié qui étonnait Maurepas. Il se retourna pour s'en amuser.  Solange était bien plus en arrière. Elle sortait à peine du lacet que Maurepas avait passé depuis un bon moment.  Il allait se remettre droit pour faire face au dernier virage qui portait la route dans un défilé de parois vertigineuses aux couleurs violacées. Mais son attention fut retenue par l'allure inhabituelle du cheval de Solange. Il essayait de comprendre la raison de ce balancement.  Soudainement, il réalisa que cela venait de la présence d'un deuxième larron sur le dos de l’animal. La colère s'immisça en  Maurepas.  On avait ignoré sa décision, il n'avait pas l'habitude qu’on discute ses choix.  Il stoppa sa monture, la fit pivoter et attendit l'arrivée des deux autres. Maurepas bouillonnait. Le temps passait trop vite. Ou trop lentement, c'était selon. Il craignait d'arriver bien tard, de rater son frère. La peur se transforma très vite en une colère incontrôlable.  Il piaffait d'impatience, il se dit qu'il allait abandonner Paille ici, après tout qu'il se débrouille. Ce n'était qu'un fardeau inutile. Le vent s'était levé. Le soleil courrait dans les nuages qui s'enfuyaient vers la mer.   Des nuages qui se déchiraient en longs épanchements, semblant de gigantesques coups de pinceaux jetés avec rage dans le bleu brûlé par l'horizon.  Un vent moins puissant que la veille qui prenait juste un peu de repos avant de dévaster la vallée. 

Est-ce le regard de Solange, profond, pénétrant et doux à la fois ? Ou bien la tête de Paille, émergeant au-dessus de l'épaule, le visage balayé par la chevelure en bataille de Solange ? Ou tout simplement l'attente, sur ce cheval impassible d'une tranquillité froide ? Toute sa colère s'était dissipée d'un coup. Leur monture semblait insensible à la charge. Le cheval grimpait la pente sans effort. Petit Pierre était à leur côté. Pas un mot ne fut prononcé, des échanges de regards, des intentions suspendues, et surtout l'immobilité qui amène à l'imposture du mouvement. Les deux autres chevaux reprirent la route, comme s’il en allait ainsi de leur propre décision. Plus dépité qu’autre chose, Maurepas tourna la bride, mais il ne l'aurait pas fait que le cheval de lui-même eut pris sa place à la suite des autres.  Ils cheminèrent ainsi jusqu'à l'entrée du défilé. Les lacets s'arrêtaient pour laisser place à une longue route à peine sinueuse qui suivait la Girance à bonne hauteur. L'inclinaison était moindre. Il faisait une chaleur moite. L'évaporation du matin se mêlait à l'air brûlant.  Les corps supportaient difficilement le frottement des tissus.

Aux alentours de midi, ils s’engagèrent sur une sente qui dégringolait dans la broussaille touffue et courte faisant rempart jusqu’à la rivière. Les quatre cavaliers descendirent de leurs chevaux pour les mener par le licou. Le bruissement cristallin de l’eau pure, quand elle se jetait sur les roches qui parsemaient le lit de la rivière, prenait une ampleur qui envahissait tout l’espace. Le chemin finissait en pente douce pour mourir au bord de l’eau.

« On fait boire les chevaux, on mange un morceau et on repart. » Maurepas avait déjà mené sa bête sur le rivage. Il s’installa sur un gros caillou plat qui faisait un siège parfait. Il trancha le gros pain de campagne en larges parts qu’il distribua à chacun. Il restait un morceau de viande fumée, sec et durcit par le temps. Il eut bien du mal à l’entailler. Paille lui tendit son couteau. Maurepas le dévisagea d’un air mauvais. Solange s’empara du canif et avança le bras en direction de Maurepas. Il ne réagit pas. Elle insista, ajouta un joli sourire, Maurepas céda. Solange se tourna vers Paille, ils avaient un regard complice qui agaça Maurepas. Il s’attaqua à la viande une nouvelle fois. Il resta sidéré par la facilité avec laquelle ce couteau pénétrait les chairs. Il posa l’ustensile sur la pierre, Paille le récupéra et le remit dans son étui. Chacun eut sa part. Maurepas remisa le restant dans la sacoche de cuir, puis il entama son repas, le visage penché vers la rivière. Il était hypnotisé par l’écoulement. Les petits tourbillons qui se formaient à chaque morceau de pierre le fascinaient. Bien plus encore, le petit courant qui se formait à la suite et qui remontait le long de la rive dans la pierraille ne cessait de l’étonner. Il ne prêta aucune attention à ses compagnons, placés derrière lui, debout ou bien accroupis. Petit Pierre s’occupait en tailladant un morceau de bois sec que les flots avaient poussé sur les berges à découvert en cette période de l’été.

Le soleil à l’aplomb dardait ses rayons avec une flamboyance absolue. Sous la chaleur qui se faisait pesante, Maurepas scellait son cheval. Il n’avait pas vu Solange qui arrivait à sa hauteur. Ni Petit Pierre et encore moins Paille. Leurs yeux avaient la même couleur, une sorte de bleu opaque. La lumière du ciel s’y reflétait avec fureur. Mais cela, Maurepas ne pouvait pas le voir, car il leur tournait le dos, s’acharnant sur la sangle qui passait sous le ventre du cheval. Elle était trop lâche. La main arriva sur lui, elle le fit sursauter (épisode 71).

Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode vendredi 26 Juin 2015

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