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Le voyageur internautique
14 juillet 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 76

maurepas5 n°76

Les tribulations de Maurepas
Quatrième partie
Vent de terre

Épisode 76

Maurepas et Pivoine De Lespentes marchèrent silencieusement.  La rue était très peu éclairée, pourtant les pavés luisaient dans la nuit beaucoup plus fraîche. En cette altitude, dès que le soleil était happé par les cimes environnantes, le froid descendait sur la vallée.  Pas un bruit sinon le claquement des souliers. 

- Que viens-tu faire ici ? Tu n'es pas un marchand ambulant, ce pays n'est pas le tien et tu n'as pas l'air d'un soldat.  

- Je viens chercher mon frère. Lucas.

- Il s'est enfui du domicile.  

- En quelque sorte.

- Papa maman t'ont chargé de le ramener sinon ça va barder pour lui.  

Maurepas se renfrogna, enfonça les mains dans les poches de sa veste.  Il gardait l'œil sur ce type dont il ne connaissait rien. Un gars pourtant qui inspirait confiance.  Il était posé, ses paroles étaient douces.  Même s'il y mettait une pointe d'ironie, cela restait sans conséquences. Ils continuèrent jusqu'au croisement.  De là, une ruelle partait en pente douce entre de tristes maisons hautes, serrées les unes contre les autres. 

- Voilà, on y est. Tu continues, après ça grimpe d'un coup. Tu verras une enseigne à demi effacée. Il n'y a rien d'autre, tu ne peux pas la rater. 

- Je te remercie.  

Maurepas hésita un moment.  Il observait le gars en face de lui.  

- Pivoine, c'est ça. 

- Pivoine De Lespentes.

- Tu vas faire quoi ?

- Écoute, il fait froid, la nuit est bien avancée et je ne crois pas qu'on soit au bon endroit pour parler. 

À l'étage, les volets s'ouvrirent.  Un type en liquette pointa le bout du nez. 

- C'est pas bientôt fini. Pouvez pas aller papoter plus loin.  Il y a des gens qui voudraient dormir. 

- Ça va, on part. 

- Alors ?

- Alors quoi ? Je te pose une question et tu réponds sans répondre et maintenant, tu veux savoir ce que je deviens. 

On entendit des éclats de voix venant de la fenêtre. 

- Mon frère est parti pour la guerre contre de l'argent.  Je viens le chercher. De l'argent, on en a, mais il ne le sait pas.

Le type de la fenêtre réapparut, il était rouge écarlate tenait un broc en faïence à même le corps. Il l'avança au-dessus de la rambarde. Le déversa aux pieds des deux hommes. 

- La prochaine fois, c'est le seau d'aisance. 

Pivoine attrapa Maurepas par le bras pour l'inviter à avancer.

- Viens, il faut qu'on parle. 

Ils s'engagèrent dans la ruelle. Le vent s'était levé. Quelques nuages traversaient le ciel blanchi par la lumière de la lune. Un volet claqua dans le lointain. Une lueur s'échappait par une ouverture, un peu plus haut dans la rue. 

- C'est là-haut l'auberge, on y est presque. 

Maurepas dévisagea son compagnon de route. Pourquoi il appréciait de se trouver à ses côtés, il ne savait l'expliquer. Il n'avait pas envie de se séparer de lui, voilà tout. Pivoine était comme un complément à ce qu'il ressentait au plus profond de son être.

La porte de l'auberge était ouverte. Un fumet de potage emplissait les narines. Cette stimulation attisa la faim de Maurepas, son estomac se contracta d'un coup. S'en suivi une série de spasmes. La douleur l'obligea de se plier en deux.  Il s'accroupit. L'aubergiste, un torchon sur l'épaule lui tendit un quignon de pain. 

- Faut commencer par ça. Tu n'as pas mangé depuis quand.

- Vers la fin de l'après-midi, répondit Solange.

- Bon, c'est l'émotion. Allez mon gars, assieds-toi là.  

Maurepas s'installa sur le banc. Ce n'était pas la faim, mais la crainte qui lui tordait les entrailles.  Il pressentait que quelque chose n'allait pas, que Pivoine n'était pas là par hasard.

Puis Paille entra. Il avait une drôle de tête.  Maurepas, en découvrant Paille sur le seuil de la porte repensa à lui. Comment pouvait-il pénétrer la forteresse ? Par quel tour de passe-passe, il s'était faufilé à l'intérieur du casernement ? Ce fut Pivoine qui parla en premier. 

- Ton frère n'est plus ici.

Paille prit la parole à son tour. Tous les deux donnaient l'étrange sensation d'avoir préparé un discours.  

- Pivoine a raison.  Ils sont partis hier pour le front. Ils ont fait étape à Toulon et ont embarqué au petit matin.

Ce n'est pas tant ce qui concernait son frère qui étonna Maurepas, mais que Paille appelle Pivoine par son prénom, donnant l'impression de le connaître depuis longtemps.

En son for intérieur, il savait pour son petit frère Lucas. Il faisait semblant d’y croire depuis le début, il se dupait lui-même. Mais il ne jouait là qu’une comédie dont il était le seul spectateur. Solange s'approcha, lui caressa la nuque et l'embrassa sur la joue. Un baiser rafraîchissant. Un baiser froid. Une façon de le convaincre que ce qu'il allait entreprendre était une bonne chose. Tous restèrent silencieux, attendant. Les uns, les yeux rivés au sol, les autres échangeant un regard, puis patientant. Ils donnaient cette impression d'avoir l'éternité devant eux et rien d'autre à faire que d'être là, autour de Maurepas. Paille regardait ses chausses usées jusqu’à la corde. Solange toujours silencieuse, plantée au milieu de la salle. Pivoine s'était éloigné dans le fond, près de l'âtre où nul feu ne couvait. Petit Pierre semblait le plus ému, la main sur l'épaule de Maurepas assis au bout de la longue table en planches épaisses. Debout, les bras ballants, le tenancier avait déposé son torchon sur un dossier de chaise. Valentin et Thérèse, l’un à côté de l’autre, à la fois si proches et si lointains. Tous attendaient une parole de Maurepas, elle viendrait en son temps, mais pour l’instant, il se leva et monta à l’étage, sur une paillasse poussiéreuse, il s’allongea pour trouver le sommeil (épispde 77).

 Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode vendredi 17 Juillet 2015 (puis pause pendant que je serai en Alsace à faire l'alsacien, reprise début août)

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