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Le voyageur internautique
17 juillet 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 77

maurepas5 n°77

Les tribulations de Maurepas
Quatrième partie
Vent de terre

Épisode 77

Étonnamment, une légère brise apportait une douceur agréable. Le soleil, encore masqué par les montagnes entourant la vallée, ne jetait pas son feu sur cette partie du chemin mal empierrée.  Les chardons bleutés portaient en leur fleur les gouttes de la rosée matinale.  L'herbe jaunie par la chaleur semblait du foin. Du fond du vallon, le doux bruit cristallin de l'écoulement de la rivière arrivait aux oreilles.  Au loin, dans l'encaissement  de la vallée creusée par la Girance, on devinait la présence de la mer. Les chênes-lièges s'étalaient dans le lit du torrent au milieu des ajoncs sertis de roseaux au sein desquels nichaient quelques cingles plongeur. Plus rarement le martin-pêcheur. Il arrivait qu'on entende l'écho d'un effondrement de pierraille quand la roche se fendait et qu'un bloc de pierre dégringolait dans la pente. Il s'en suivait des bruissements, des cris courts que les animaux poussaient. Un affolement soudain ? Une façon de se prévenir les uns les autres ? Une célébration de la nature en furie ? Qui peut le dire ? Certainement pas l'homme qui marche seul, bien trop préoccupé par sa défaite.  Pas plus, les cavaliers qui arrivent, à  deux sur la même monture, suivis d'un autre cheval tenu par la bride.

Maurepas avançait d’un pas pesant, l’envie n’y était pas. Il redescendait pour regagner la côte. Il ne savait pas très bien si la décision était la bonne. Il en voulait à son frère, il en voulait à la terre entière et pour commencer à Isabelle de n’avoir pas su, à peine mariés, retenir son homme. Solange arriva à sa hauteur, elle arrêta son cheval en serrant la bride, puis passa la jambe par-dessus l’encolure et se laissa glisser. En découvrant Petit Pierre, Maurepas eut un mauvais sourire, il était jaloux. Leur proximité, le fait qu’il partage la même couche et peut-être encore plus les messes basses, tout cela l’insupportait. Solange remarqua la tête que faisait Maurepas, mais n’en dit rien. Elle chemina à son côté. Petit Pierre suivait à distance, toujours perché sur le cheval, lequel avait repris son allure. Le bruit des sabots dans la pierre, cherchant des appuis solides était la seule perturbation dans ce paysage où régnait la vie sauvage. Solange fit signe à Petit Pierre de les attendre. Il stoppa, mais resta sur sa monture, immobile.

Maurepas s’arrêta, il se tourna vers la rivière. Un sentier partait dans le dévers, certainement un accès pour les pêcheurs et les braconniers. Solange était à ses côtés. Ils restèrent ainsi silencieux à observer la lumière qui se glissait dans les branchages. À observer, dans le mouvement des aulnes bercés par le vent, le scintillement de l’eau que l’on devinait à peine au travers de la végétation. Ils voyaient sans voir, ils attendaient le moment propice, l’instant où Solange allait le prendre par le bras, l’emporter dans le chemin. Dans le contrebas, le sentier se coupait en deux pour aller se perdre dans les ajoncs. Un saule de petite taille coupait la lumière. Solange s’allongea, Maurepas resta debout un temps, puis s’accroupit à sa hauteur. Elle le saisit par la taille, il se coucha auprès d’elle, l’embrassant à pleine bouche. Il avait besoin d’être serré, aimé. Ils se déshabillèrent, firent l’amour rapidement. Ils restèrent allongés, l’un près de l’autre. Le visage de Solange lui apparaissait dans la lumière, il la prit par l’arrière du cou, il l’embrassa. Ils firent l’amour une nouvelle fois. Avec plus de douceur, de tendresse et plus longuement.

- On descend à la rivière si tu le veux ?

- Tu y as pris goût. Oui, j’en ai envie.

Ils rattrapèrent le sentier qui rejoignait la rive bien plus bas, lui la tenant par la taille, elle se laissant mener. Maurepas était pieds nus en liquette, Solange était nue sous sa chemise, ses chausses enfilées à la va-vite. Sans raison, ils accélérèrent jusqu’à courir. Solange perdit une chaussure, Maurepas se fit mal au talon et continua un temps à cloche-pied. Ils s’arrêtèrent, se regardèrent, éclatèrent de rire. Puis ils repartirent bras dessus bras dessous, cette fois, doucement. Maurepas passa son bras sous la chemise, juste pour sentir la chair sous ses doigts. Solange se tourna vers lui, son visage avait pris un aspect plus sérieux.

- Il ne faut pas abandonner.

- Je n’abandonne pas, je vais trouver comment rejoindre Lucas, au port...

- Paille sait où ils sont partis…

- Paille raconte n’importe quoi pour se rendre intéressant.

- Tu sais ce qu’il faut faire, tout au fond de toi, mais tu as peur.

- Qui va nous mener. Et encore, si Paille a raison.

- Paille est ce qu’il est, mais jamais il ne parle s’il n’est pas sûr de lui.

Maurepas ne répondit rien. Ils étaient arrivés sur la rive, l’eau murmurait un chant agréable, un chant qui invitait à la fraîcheur et à la nudité. Ils se dévêtirent, puis avancèrent dans le torrent. À cet endroit, il s’étirait sur une grande largeur peu profonde. La sensation était agréable, apaisante pour les pieds abîmés par la marche dans la poussière et la caillasse.

- Valentin et Thérèse savent la route, ils sont nés là-bas. Ils nous conduiront, là où coule la mer, entre la Grèce et l’empire d’Orient.

Maurepas embrassa Solange, il aurait voulu se nicher en elle, être absorbé par son corps, entrer en son ventre. Et tenir sa poitrine au creux de ses lèvres. Mais il ne le fit pas, il s’avança dans l’eau, s’accroupit et plongea la tête jusqu’à ce qu’il n’y puisse plus tenir. Il se releva, fit face à Solange.

- Tu as raison, comme toujours.

Elle le rejoignit, se serra tout contre lui.

- Il nous faudra un chariot et d’autres chevaux. Glissa Maurepas dans un murmure, à l’oreille de Solange.

- Ils nous attendent déjà.

Maurepas resta un moment songeur, il se baissa pour laisser l’eau filer entre ses doigts.

- Ce sera un long voyage. Comment feras-tu si tu portes notre enfant en toi ?

- Il n’y aura jamais d’enfant entre toi et moi.

- Pourquoi ?

- Il ne fallait pas que tu t’en ailles, que tu me laisses partir en cet endroit où personne ne vit.

- Tu veux parler du village de Malouin… de son eau pourrie…

Solange se figea, ses traits se durcir. Elle pivota, fit quelques pas rapides dans l’eau, éclaboussant tout autour d’elle. Puis, elle s’arrêta et se tourna pour faire face à Maurepas.

- Il faudra partir sans tarder ! Les autres nous attendent. Je leur ai dit que ce soir, nous dormirons une dernière fois à l’auberge et qu’au lever du jour, nous serons déjà loin.

Solange s’allongea, puis se laissa emporter par le courant, elle aimait glisser sur les cailloux, se perdre là où l’eau est plus profonde, se relever plus loin et remonter à contre-courant.

FIN DE LA QUATRIEME PARTIE

 Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode mardi 4 Août 2015 (pause pendant que je serai en Alsace à faire l'alsacien)

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