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Le voyageur internautique
22 mars 2020

Chronique d’un enfermement : jour 9

Chronique d’un enfermement

Là où la fiction est, vous aussi.

accès début (jour3)

enfermement coul

Elle est revenue !

Je n’en croyais pas mes yeux. J’étais sorti pour arroser les plantes, j’avais rien d’autre à faire. J’avais dormi jusqu’à 9 h 30, un petit pissou, puis je m’étais recouché jusqu’à 11 heures. Guerre et Paix m’est tombé des mains au bout de dix minutes et j’ai redormi. Finalement, j’ai repris la lecture de Tolstoï. Amusant, l’histoire commence par une histoire de grippe, le mot lui-même étant tout nouveau en 1805. Bref, en fin de matinée me voici sur mon balcon avec mon arrosoir. J’entends une petite voix qui fait « coucou ». Je pense tout d’abord au voisin du dessus, avec ses lubies, il serait bien capable de prendre une voix de fausset pour faire l’intéressant. Ce n’est pas le cas. Je regarde en bas, il n’y a que les miliciens. Ça ne peut pas être eux, ils ont un sens limité de la plaisanterie. Au deuxième coucou, je réalise qu’il vient de l’autre bâtiment. La voisine est de retour.

- Excusez-moi de vous déranger, auriez-vous du sucre, je suis à court ?

Pas le temps de répondre, l’autre idiot du dessus le fait à ma place.

- Y a quelqu’un…

J’ai complété sa phrase dans ma tête « … dehors ! » à la place il dit « … qui a du sucre ! » Je croyais qu’il délirait, mais pas du tout, il réapparaît à la fenêtre avec une boîte en carton et contre tout attente, y avait « sucre » d’inscrit en grosses lettres.

- Bougez pas, j’ai une idée…

Il revient avec un seau et une pelote de ficelle et il fait descendre le sucre jusque chez moi et il rentre chez lui. Je me dis qu’il est vraiment idiot, ce n’est pas moi qui ai besoin de sucre.

- Envoyez-moi la ficelle !

- Pardon ?

- Envoyez la ficelle, on va faire comme une tyrolienne.

- La milice a interdit tout échange de denrées !

- Ils sont pas là et puis la denrée en question, elle vient déjà d’être échangée.

Je cogite à cet aspect de la logique discursive. Je ne suis pas certain de la pertinence de l’argument face au milicien de la fois dernière. Mais je me décide à agir, plus par crainte que par solidarité. J’attache une fourchette en bout de corde et je la lance. Trois essais et deux fourchettes plus tard, l’opération se conclut par une réussite totale et un « hourra ! ».

- Criez pas si fort, vous allez nous faire prendre !

- Comment ça se fait que vous soyez de retour ?

- Vous me croyiez morte ?

Il est vrai que la bonne question aurait dû être « où vous étiez passée ? ».

- Mon fils Grégoire s’est fait une méchante entorse avec arrachement ligamentaire. Les hôpitaux sont saturés, nous avons attendu deux jours avant qu’il soit pris en charge. Il est jeune, ils ont dit qu’il se rétablirait vite. Je vous laisse, il faut que je fasse ma machine.

- Bonne journée… hep !

Trop tard, elle est rentrée chez elle. Je ne sais toujours pas comment elle s’appelle.

J’étais content de la savoir en bonne santé et cette idée a occupé mon esprit toute la journée. Le temps est passé très vite.

- Vide tes poches ! hurle ma femme qui était à l’autre bout de l’appartement.

J’ai la fâcheuse habitude de laisser traîner tout un tas de choses dans mes poches. C’est pour cette raison que nous faisons chambre à part. Je quitte le canapé pour me rendre dans la buanderie.

- Que veux-tu qu’il y ait dans mes poches, on ne fout plus les pieds dehors !

Tout en prononçant ma phrase, je sors un papier tout froissé.

- Ah !

Une fois de plus, j’avais tort.

Jour 10

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