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Le voyageur internautique
28 mars 2020

Chronique d’un enfermement : jour 17

Chronique d’un enfermement

Le faux fait-il bon ménage avec la fiction ?

accès début (jour3)

enfermement coul

Je vais un peu mieux. Ce matin, j’ai retrouvé le goût. Celui des biscottes sans sel et des repas livrés par la milice urbaine. Ma température a baissé légèrement, mais il m’est impossible de me lever sans chanceler. Ma femme reste à un mètre de moi et me pousse les repas avec un bâton. J’ai l’impression d’être un fauve dans une cage sans cage.

Revenons à l’homme hors de tout contrôle.

J’essaye d’esquiver tant bien que mal les coups qu’il m’assène. J’interpose mon vélo entre lui et moi histoire de le tenir à distance. Dans un premier temps ça suffit, mais très vite, je suis débordé sur la droite et je dois reculer tout en abandonnant ma protection. Je me place en position de combat. Dans ma jeunesse, j’ai pratiqué la savate. Mon adversaire aussi et d’un violent coup porté à hauteur des chevilles, il me fait tomber sur le sol. Les chaussures de vélo ont un défaut, elles ont une semelle dure et lisse, c’est la raison pour laquelle il m’a fauché facilement. Le type m’attrape à la gorge et me secoue en tous sens.

- Tu as été envoyé par les Tortors ?

J’ai pensé qu’il parlait des Tartares, je lui réponds que non, les Tartares ne sont pas mes amis. Je crois que ce n’était pas la réponse qu’il attendait. Il me secoue à nouveau et prend ma main, il la retourne.

- Tes paumes ne sont pas marquées du signe !

Bêtement, je regarde mes paumes de mains et en effet, il n’y a aucun signe. Je bredouille une phrase pendant qu’il me secoue, elle n’est pas plus compréhensible pour lui que pour moi.

- Tu dois disparaître de la terre, vermine !

Le voilà qui m’arrache mes habits. Je me débats comme je peux, mais avec le froc aux chevilles et le polo retourné sur le visage ce n’est pas simple. Il m’arrache mon slip et une de mes chaussures et là, j’ai dans l’idée qu’il va me violer. Il me semble avoir crié « maman », ce qui est doublement idiot, car elle est morte et si ce n’était pas le cas, je ne crois pas qu’elle aurait pu m’entendre. Je finis par me relever, la bistouquette à l’air et les fesses au vent pour fuir à toutes jambes. Manque de chance, il me reste une chaussure au pied, je pars en vrille et reçois une grande claque qui me cueille au vol et m’envoie dans le canal.

L’eau est froide et me coupe le souffle. Je bois la tasse, elle est douce. J’ai pour habitude de ne me baigner qu’en mer, ça change un peu. Lorsque je remonte à la surface, un œil rouge, qui perce au milieu de la nuit, me dévisage. Les étoiles sont nombreuses, pas un nuage, mais il fait frisquet. C’est amusant les idées qui passent dans la tête dans ces moments-là. Il me faut un peu de temps pour comprendre que l’œil rouge n’est autre que le fanal émis par l’écluse pour interdire l’accès aux péniches. Tout à coup, la peur me prend, j’imagine les poissons silencieux qui se cachent dans la vase épaisse tapissant le fond du canal. Lors de l’une de mes promenades sur les berges, j’ai vu, de mes yeux vu, un pêcheur sortir de l’eau un silure de près de deux mètres et au moins cinquante kilos. Affolé par l’idée d’être bouffé tout cru par un poisson, je me mets à gueuler. « Au secours monsieur Issam ! » Invoquer un monsieur Issam que je ne connais pas, après avoir appelé ma mère, je vous laisse avec cette énigme psychanalytique. En tous les cas, un autre type arrive pendant que je me démène pour grimper sur la terre ferme. L’autre fada revient à la charge, il tente de me repousser avec le pied.

- C’est un Tortor, ils l’ont envoyé pour me transformer !

- Calme-toi Simon, as-tu bien regardé la paume de ses mains ?

J’écoute cette conversation surréaliste avec un brin d’inquiétude, j’en suis à me demander si je ne suis pas tombé au milieu d’un asile de fous qui aurait délocalisé en bordure du canal Saint-Denis.

- Avant de l’achever, il faut vérifier, hein Simon qu’il faut vérifier, tu sais bien qu’il faut toujours vérifier et revérifier ?

- Oui, tu as raison.

Les deux hommes me tirent chacun par un bras et me voilà à nouveau à poil sur le quai sous le regard étonné de mon vélo qui attend un peu plus loin. Et là, une chose incroyable se produit. L’autre gars m’essuie la main avec son tee-shirt, il la tire sur la gauche prétextant qu’il ne voit rien et la retourne vers la lumière blafarde que diffuse l’un des lampadaires. Et sur la paume de ma main, je vois apparaître un signe kabbalistique en forme d’étoile de David ! Les bras m’en tombent. En réalité, un seul, parce que le gars continue à maintenir l’autre pour prouver ma non-appartenance au monde des Tortors au Simon susnommé.

Jour 18

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