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Le voyageur internautique
1 avril 2020

Chronique d’un enfermement : jour 21

Chronique d’un enfermement

Il y a la fiction et… Y a-t-il seulement autre chose que la fiction ?

accès début (jour3)

enfermement coul

Je viens de passer la pire nuit de toute mon existence. J’ai rêvé que je couchais avec ma mère et que Freud me dévisageait d’un air dubitatif, sa pipe entre les dents. Je ne sais pas ce qui est pire, d’avoir couché avec maman ou bien la pipe à Freud ! J’ai encore du mal à chasser cette vision apocalyptique de ma tête. Manquerait plus que mon père assiste à… Horreur ! Pensez-vous ce que je pense, Freud est mon père… Dans le rêve je veux dire, parce que sinon, je ne suis pas assez âgé pour que ce soit envisageable. Mais revenons à nos moutons. En l’occurrence, les Roms… Je ne veux pas dire que les Roms sont des moutons, ni des agneaux… J’ai des amis Roms… Une amie, pour être précis… Je crois que je m’enferre et que mes explications ne font que renforcer ce que je cherche à éviter.

Donc voilà…

Nous avions enjambé la clôture, lui avec une aisance déconcertante, moi en y laissant un morceau de mon pantalon de vélo et en m’affalant lourdement sur le sol. Le dos en a pris un coup et le cul aussi. Puis nous avons fait de l’équilibre en nous faufilant sur les passerelles situées au-dessus des portes du sas. Nous avons eu ainsi accès à la plateforme centrale. Puis nous avons procédé de la même façon pour rejoindre le bajoyer opposé.

Un feu de braises incendiait la nuit, deux fourgonnettes étaient garées en quinconce et deux autres bagnoles délabrées stationnaient plus loin. Bassem me fit chut avec son doigt sur la bouche. Comme je n’avais pas vraiment l’intention de dire quoi que ce soit, je n’en eu pas plus envie. Il me fit signe de le suivre. Nous contournâmes le long bâtiment principal. Sur l’arrière, se trouvait une entrée. Il nous fallu traverser un long couloir avant d’arriver dans ce qui fut un bureau. Là, un gros type roupillait devant une caisse métallique. Bassem s’approcha et lui fila une tape derrière la tête. Le bonhomme releva sa tête, découvrant un visage usé par le temps et le soleil. Le cheveu était noir et hirsute, d’épais sourcils encadrait de gros yeux foncés. Les paupières formaient un pli qui leur donnait l’aspect d’un rideau qu’on aurait attaché à chaque coin avec des embrasses. « Qu’est-ce que tu fous là ! » Il s’adressait à Bassem tout en me dévisageant, se demandant qui pouvait bien l’accompagner dans cette tenue ridicule.

- Issam t’a avancé 150 balles pour la réparation du fourgon. Maintenant faut les lui rendre !

- Faut qu’il vienne lui-même !

- Il s’est fait coincer par la milice et mon avis, à l’heure qu’il est, il a été renvoyé dans son pays, expliqua Bassem, le plus calmement du monde tout en enfilant son poing américain. Ce que l’homme ne pouvait voir, mais moi oui.

Je trouvais cette situation déplaisante et me demandais ce que j’étais venu faire dans ce règlement de compte à Ok Corral. Je repensais à ma femme et à la voisine, je leur en voulais quelque peu de m’avoir envoyé dans cette galère. Peut-être un peu plus à ma femme qu’à la voisine. Puis me revint en mémoire l’image de l’autre imbécile à l’étage du dessus et toute ma colère se focalisa sur lui. Dès mon retour, il allait voir de quel bois je me chauffais.

- Qu’est-ce qui me prouve que tu n’es pas en train de l’entuber ?

- Cette lettre…

- C’est écrit en arabe, et l’arabe, je parle pas ! Elle pourrait tout aussi bien raconter l’histoire de la poupée polonaise !

J’aurais bien aimé connaître cette histoire, mais il m’a semblé, à cet instant, que ce n’était pas le bon moment pour en avoir un aperçu.

- Faut lui rendre ses sous, un point c’est tout, c’est pour sa femme.

- Tu fais assistante sociale maintenant…

- Les 150, y sont là-dedans… ou pas ?

Bassem pointait du doigt la boîte métallique sur laquelle le gars avait croisé ses bras.

- Ils y sont…

- Mais...

- Qui c’est ce connard avec sa tenue de vélo ? C’est toi l’emmerdeur qui fait marcher sa sonnette à tout bout de champ.

- On n’est pas ici pour parler des conditions de circulation des vélos et encore moins des sonnettes.

C’est bien vrai, confirmais-je dans ma tête tout en me plaçant légèrement sur le côté puisqu’on daignait s’adresser à moi. En réalité, j’espérais être confondu avec la plante verte derrière moi, mais ça n’avait pas fonctionné.

- Tu la craches ta pilule !

Chez moi, on dit Valda, mais une nouvelle fois, j’ai tenu à garder cette précieuse remarque pour moi tout seul.

- On a un petit litige à régler tous les deux. Mihaï rapplique un peu ! Viens expliquer à notre ami syrien ce qu’on attend de lui, hurla notre interlocuteur tout en déposant devant lui une pétoire qui devait dater la Guerre de Sécession.

Mon parti était pris, fuir et ne plus jamais revenir dans le coin quitte à passer par Aubervilliers pour aller travailler. Malheureusement, dans l’encadrement de la porte, il y avait une armoire à glace de 1 m 90, pesant pas loin de 150 kg. Elle portait le doux nom de Mihaï, justement.

Jour 22

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