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Le voyageur internautique
3 avril 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 48

maurepas4 n°48

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 48

Le coup derrière la tête, un coup de pagaie, côté manche. C’était ce dont il se souvenait vaguement. Le goût du sable dans la bouche, ça, c’était maintenant. Et puis une odeur, en forme de souvenir. La place du village, Solange, en robe rose, sa petite sœur dans une main, un bouquet dans l’autre, le père, la mère et la musique. L’odeur était tenace. Les souvenirs revenaient par à-coups, le banquet, les danseurs, le vin nouveau. Le vin allait avec l’odeur. La fumée aussi. Les escarbilles dans la nuit, Solange, encore Solange, son parfum aussi et puis cette odeur tenace.

- Holà mon petit, faut te lever.

On le secouait par le col, le sable dans la bouche, la gueule qui colle. Il reprit conscience. Ouvrit les yeux. Il n’aurait pas dû. Le sable lui provoqua une douleur violente.  Plus il clignait de l'œil, plus la sensation d'abrasion se faisait intense, plus la violence de la douleur augmentait en intensité.

- Je vous ai cru mort, comme les autres, ça ira mon gars ?

Maurepas avait l’impression de sortir tout droit d’un mauvais rêve. L’odeur, c’était celle du cochon qu’on grillait à la broche, le jour de la fête à la cocarde, avec le manège en bois, celui fabriqué par le charpentier de Gardérance. Et encore la robe de Solange qui virevolte, puis ce fut à nouveau la douleur. Tant bien que mal, soutenu par le gars qui parlait avec un fort accent étranger, inconnu de Maurepas, il marcha en direction de la mer, il s’accroupit. Le clapotis de l’eau qui venait mourir à ses pieds, lui fit un bien fou, il plongea ses mains et s’aspergea d’eau de mer. Le sel brûlait, il comprit à cet instant qu’il avait une plaie ouverte à hauteur de l’arcade. Il regarda ses mains, elles étaient pleines de sang, il se rinça à nouveau, malgré les élancements. Ce fut par les douleurs qu’il se réappropria son corps. Il se réveillait en fonction de l’apparition de nouvelles sensations douloureuses, au niveau des côtes et aussi l’avant-bras. Il se tourna vers celui qui l’avait accompagné, il n’aurait pas dû. Il regretta immédiatement. Sa conscience le poussait vers l’horizon, vers la beauté, l’immensité de l’étendue marine et le miroitement de la lumière. Ce n’était pas du cochon grillé, mais un être humain, il se consumait. Maurepas tomba à genou et vomit, il vomit même ce qu’il n’avait pas dans l’estomac, la bile aigre lui brûlait la gorge, mais il continuait à se vider du vide de ses entrailles. D’une embarcation, on avait fait un bûcher, les rames avaient servi à ficeler un pauvre type qu’on avait jeté dans les flammes. C’était la présence du feu et la fumée noire qui grimpait dans le ciel qui avait attiré Kostakis, que tout le monde appelait le grec. Un pêcheur qui s’était installé une cahute sur la côte, dans une petite baie, après les calanques. Là se trouvait une poignée de baraques où vivaient quelques familles de pêcheurs au filet et à la case.

- Je te connais, je t’ai déjà vu à traîner sur le port. Tu fais partie de la clique de lascars qui fricotent avec Arturo. Ceux-là n’en sont pas, mais lui et lui, si. T’as pas l’air qui va avec ces sales types, qu’est-ce que tu fiches avec des truands de la pire espèce.

Maurepas regarda dans la direction qu’indiquait le grec. En effet, le boiteux et Paolo étaient raides morts, tous les autres, il ne les connaissait pas. Y compris celui qui finissait de cramer dans les braises. Du moins de ce qu’il pouvait en deviner. Les vêtements complètement noircis faisaient corps avec la peau, le visage grillé laissait deviner des traits saillants. Une partie des cheveux se consumait encore. Le pauvre homme était toujours vivant, il gémissait, la tête fit un petit mouvement sur le côté. Le grec s’approcha du bûcher, il agrippa l’une des rames par la partie qui n’avait pas brûlé, et il tira le tout hors des braises. Il regarda l’homme qui agonisait. En allant vers le feu, il avait ramassé une grosse pierre. Maurepas ne l’avait pas vu faire. D’un coup sec, il fracassa la tête de l’homme.

- Pourquoi ! Hurla Maurepas.

- Tu crois qu’il n’a pas assez souffert comme ça. Tu penses qu’il va se relever, prendre la route et retrouver ses gosses et sa bonne femme pour lui faire une bise. Il était foutu, fallait abréger ses douleurs.

Le grec fit le tour des cadavres étendus sur la plage, leur fit les poches, trouva surtout des armes blanches, quelques pièces dans des portefeuilles miteux qu’il jeta dans le brasier. Il dévisagea Maurepas qui le regardait faire.

- Ils sont morts, c’est pas ça qui les fera revenir.

Le grec pensait que Maurepas l’observait avec dédain, en réalité, Maurepas avait les yeux dans le vague et les idées dans le même état, il ploya sous son propre poids pour s’effondrer sur la grève. Le grec, hésita, prit la direction de sa barque, grimpa à l’intérieur, sortit les rames. « Hé skata ! ».

(épisode 49)

           Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode mardi 7 avril 2015

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