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Le voyageur internautique
30 juillet 2020

Maurepas : la suite (épisode 17)

Vent de folie : cinquième partie

maurepas-suite

Episode 17

Le soldat se figea, sa main gauche se crispa sur le poignard qu’il portait à la ceinture. Une sorte de sabre court à la lame légèrement courbée. L’homme n’avait plus son fusil. Son regard se portait alternativement sur Lucas et sur le fardeau perché sur son épaule. Le raffut continuel dans lequel se mêlaient tirs et explosions, cris et plaintes des agonisants n’existait plus pour les deux ennemis. Les yeux dans les yeux, ils se jugeaient l’un l’autre. Lequel prendrait l’initiative, quelles étaient ses intentions. Pour agir Lucas devait abandonner Charles et le laisser rouler dans la pente. La chance de récupérer le corps était très faible. Le dévers plongeait sur un à-pic rocheux qui propulserait son ami dix mètres plus bas. Le Turc faisait le même calcul, estimant le temps qu’il faudra à son adversaire pour saisir son arme et le cueillir au bas-ventre d’un coup rapide. Lucas baissa la tête, reprit son avancée, et passa à hauteur du Turc, il ne le regarda pas préférant ignorer l’attaque si elle devait avoir lieu. Lui aussi observa cet étrange chargement d’un corps en travers qui se déplaçait en bringuebalant.

- Qu’Allah soit avec toi, dit l’homme en français avant lui aussi de reprendre sa progression.

Lucas marqua un temps d’arrêt, tourna la tête pour voir disparaître cet ennemi qui, l’espace d’un instant n’en avait plus été un.

Les combats avaient repris de plus belle. Les Français qui avaient atteint leur « objectif limité » essayaient tant bien que mal de tenir leurs positions. Les tirs se concentraient sur la tranchée que Lucas voulait atteindre. Il ne lui restait que quelques mètres à parcourir. Il s’élança, essayant de briser la direction de sa course afin d’empêcher les Turcs d’ajuster leur tir avec précision. Un premier impact frappa le corps de Charles, Lucas ressentit le soubresaut de son ami. Une montagne de terre se souleva derrière lui. Il comprit qu’il était encore en vie à la pierraille qui retombait sur sa tête. Une pierre le heurta au-dessus de l’oreille, il vacilla, mais, dans un effort surhumain, il réussit à se maintenir debout. Tomber et c’en était fini pour eux deux. Un autre impact provoqua une nouvelle fois un bref tremblement de Charles.

Est-ce le souffle de l’obus percutant le sol, ou bien la course de Lucas qui finit en déséquilibre à cause d’un membre humain sortant de terre, mais le résultat fut qu’il se retrouva d’un coup dans la tranchée. Malheureusement, sa chute lui fit perdre connaissance, car il avait heurté un étai de fortune.

Trois hommes se précipitèrent pour les tirer vers l’arrière de la tranchée, mieux protégée des tirs continuels qui venaient frapper la paroi. Lorsque Lucas recouvra ses esprits, il pensait qu’un temps infini s’était écoulé. En réalité, à peine quelques secondes avaient passé.

- C’est pas d’moi qu’il faut s’occuper, c’est lui, réussit-il à gueuler.

- On peut rien faire pour le moment, ça canarde trop ! répondit un des trois soldats, sans grande conviction.

- On va se charger de ton pote, dis-nous comment il s’appelle.

Lucas déclina l’identité de son ami.

- Simon, tu descends avec moi. Les brancardiers se sont fait marmiter, mais le brancard a tenu le coup, expliqua-t-il à Lucas. Trouve-toi un casque, sinon je donne pas cher de ta peau l’ami.

- Ton nom, c’est comment, hurla Lucas avant que l’homme ne file.

- Tu demanderas Tintin.

Lucas eut encore assez de force pour regarder les deux brancardiers s’éloigner, puis il s’effondra sur lui-même et s’endormit immédiatement malgré le feu incessant des ennemis.

- Ben mon gars, celui-là, on peut dire qui sait y faire pour la ronflette.

- C’est celui qu’a monté là-haut pour sauver son pote.

- Ben ça alors, tu m’en diras tant. Mon salaud, j’aimerais bien l’avoir avec moi lors du prochain assaut.

- Tu m’auras moi, mais compte pas que j’aille te sortir du trou, je tiens à ma peau.

- Faut croire qu’il a la bonne étoile dans la poche le salaud !

- T’as pas d’autre mot pour saluer notre héros !

- Héros un jour, mort un autre, c’est du pareil au même.

Combien de temps avait dormi Lucas, il l’ignorait. Mais lorsqu’il ouvrit les yeux, ce fut pour découvrir le capitaine le toisant de toute sa hauteur.

- Alors c’est toi le crétin du moment ?

Lucas ne sut pas très bien s’il devait confirmer ou pas. Il opta pour le silence.

vent de folie : épisode 18

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