19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 7

n°7

Les tribulations de Maurepas

Première partie

Une mariée, un mariage et un départ.

 Episode n°7

Maurepas regarda Bigeot qui continuait sa route vers le village. Bientôt, il disparut complètement au détour du sentier. Bigeot aurait pu rebrousser chemin, car il n’avait plus rien à faire à Saint-Cernin, mais comme il était tout près, il décida à pousser jusqu’au bistrot. Boire un godet, dépenser ses sous. Et parler. Maurepas resta immobile, toisant de toute sa hauteur la vallée qui se déployait devant lui. La vie alentour reprenait tranquillement possession des bois, buissons, moindre rocaille. Ou bien, était-ce tout simplement lui qui était plus attentif. La brise légère qui baignait de fraîcheur l’ensemble du vallon depuis très tôt le matin, était tombée. Dans quelques heures, la chaleur allait plomber l’atmosphère, rendant l’air à peine respirable. Le cri d’un rapace, certainement le busard qui cherchait sa pitance, ou bien un corbeau, lui fit lever les yeux en direction du ciel. Le soleil l’aveugla. Il referma les yeux, baissa la tête. L’oiseau déploya ses ailes immenses en passant au-dessus de lui, mais très haut. D’un coup, il plongea dans la vallée, se laissant tomber sur sa proie. Un levraut qui avait aimé la liberté, trop, fut fauché en pleine course et arraché du sol pour s’élever brusquement dans les airs. Les griffes acérées bien refermées au-dessous du ventre l’étouffaient. Pour la seule fois de sa vie, il avait la chance de se sentir un dieu découvrant les montagnes alentours, la vallée au fond de laquelle courrait à vive allure la rivière. Mais au-dessus de laquelle, l’œil du busard, car il s’agissait bien de lui, la crécerelette, ne laissait rien échapper à son regard acéré. Un mouvement, une ombre, tout déplacement déclenchait la chasse.

L’indécision ne faisait pas partie de l’instinct animal, de l’instinct du chasseur, mais c’était ce qui arrêtait Maurepas, en tous les cas à ce moment-là. Redescendre et parler à son frère, ou bien regagner d’abord les Bayaux. D’un coup, il se décida. Alors, d’un pas plus rapide, il reprit sa marche le long du canal. Sur le côté du tunnel se trouvait un petit sentier à moitié effondré. Il s’y engagea. Plus jeune, il aimait à passer sous la roche par le conduit. Il enlevait son pantalon, le roulait autour de son cou, puis il se glissait dans l’eau fraîche du canal. La traversée du tunnel était effrayante. Il faisait un long coude qui occultait la lumière. Il fallait arriver au milieu du parcours, pour découvrir d’un coup une lueur aveuglante à l’autre extrémité du tunnel. Juste avant, il fallait supporter la présence des chauves-souris, avec leur petite tête à l’envers, attendant la nuit pour sortir se nourrir. Se délectant des moustiques, moucherons et autres petits insectes qui pullulent.

Mais le temps de la jeunesse avait passé, et Maurepas préférait le contournement. Une fois sur l’autre versant, il rattrapa le canal, couvert par de longues plaques de ciment sur lesquelles il était aisé de se mouvoir. Ainsi, d’un pas plus rapide encore, il passa le deuxième contrefort dont l’arête délimitait la vision du village. Au-delà, Saint-Cernin disparaissait pour ne réapparaître qu’à l’arrivée sur la source. Maurepas quitta le canal, pour prendre le chemin qui grimpait dans la montagne, suivant le mince filet d’eau qui dégringolait au creux d’un pli formé par la jonction des parois. A partir de cet endroit, il ne fallait pas plus d’une vingtaine de minutes pour rejoindre les Bayaux. Maurepas força l’allure, il était pressé d’arriver. Il sentait que le temps allait lui manquer pour faire ce qu’il avait à faire. Voilà pour quelle raison, il allait couper au plus court. Pour la même raison, il allait prendre un risque idiot. Celui de faire une mauvaise rencontre (épisode 8).

  Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode le mardi 11 novembre