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Le voyageur internautique
6 janvier 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 24

maurepas3 n°24

Les tribulations de Maurepas
Deuxième partie
La malédiction des Maurepas.

 Épisode 24

Heureux et insouciant, je rentrais chez moi. J'avais passé l'après-midi à la Canavasse. La pêche n'avait pas été terrible, les truites n'étaient pas au rendez-vous à cause de la lumière trop forte. Je remontais bredouille mais heureux, rien ne pouvait m'atteindre, j'étais un Dieu. J'ai croisé Bertelot, avec son air mauvais, il m'a dit « Alors cette pêche à la truite ? » tout en exhibant ostensiblement sa besace, gonflée par les prises. J'y ai répondu « Les cocus, ça pêche toujours bien ! » Je ne m'étais même pas arrêté. De trois pas plus loin, il a crié « Les cocus, sont pas ceux qu'on croit, et moi je serais toi, je ferais un tour chez Mémé prendre des nouvelles de Clairance... » J'y ai balancé le contenu de sa besace dans le fossé, lui, je l'ai fichu parterre accompagné d'une grande claque. J'suis parti sans plus écouter ce qu'il gueulait dans mon dos. Sans m'en rendre compte, malgré moi, au lieu de me rendre au moulin – une quinzaine de boisseaux métriques en blé attendaient, paix à ton âme Napoléon, ils attendent encore – j'ai remonté au village. Je me suis arrêté au déversoir. J'y ai mis la main. J'aurai mieux fait de m'attraper le derrière de la tête pour la noyer. J'ai poussé le portail pour passer par le jardin. De là, on peut entrer par l'étable. Elle ne sert plus depuis belle lurette. Mémé y stockait les victuailles. La fraîcheur s’y dépose par le mur du soubassement en  pierre. Et l'eau du torrent qui passe dans les bacs en grès. La seule maison construite ainsi. J'ai pas eu besoin d'y entrer, Clairance, basculée dans la paille replaçait son corsage. Marcel était sur le côté, dans l'ombre. Je me suis avancé vers elle. « C'est pas ce que tu crois... » Je croyais rien, j'avais la tête vide. J'suis resté les bras ballants. La musette est tombée sur le sol. Marcel m'a parlé, j'ai rien entendu. Puis il est parti. Pour dire la vérité, quand je me suis retourné, il n'y était plus. Clairance me tenait par les épaules. Je crois qu'elle aussi a dit quelque chose. Mon prénom. J'en suis certain, c'est ce qui m'a sorti de ma torpeur.

Puis le feu a embrasé mon esprit, un coup de folie. Je l'ai frappé à la figure. Je jure que je ressens encore, au creux de la paume, la violence du choc. Sa tête a porté sur le pilot qui supportait la maçonnerie. Le sang coulait dans son cou. Morte ou pas, je m'en fichais. J'ai tiré un coup de godillot dans la paille. En pluie, elle est retombée sur son corps inerte. J'ai tout laissé en plan, je suis ressorti par le jardin. La haine avait pris toute la place dans mon cerveau. Le cœur battait les cent coups. Du poing, j'ai brisé en deux la planche appuyée sur le muret. À pleines mains, de rage, j'ai arraché les rosiers. Du sang plein la chemise. Un égorgeur, voilà à quoi je ressemblais. J'ai tiré avec une telle force sur  le portail qu'il en est sorti de ses gonds. Heureusement, personne n'a pointé son nez, car à l'heure qu'il est, il serait mort et enterré.

J'ai pris le chemin qui coupe par le cimetière. Il est raide comme la justice. Pourtant, j'ai couru. Je sais que c'est impossible, mais la force de la haine est insoupçonnable. J'ai cogné les arbustes, j'ai déterré des grosses caillasses que j'ai jetées dans le vallon en poussant des mugissements de bête. Je suis monté ainsi jusqu'à la cabane du berger. Je l'ai foutue parterre. À coup de masse. Celle pour fendre les bûches avec un coin. Les deux cyprès qui marquaient la descente sur l'autre vallée pliaient en avant à cause du vent Sombre, le Machicoul. Il naît en début d'après-midi et meurt trois jours après. La Girance qui coule au fond de la vallée fabrique ce vent mauvais. Il porte avec lui, la poussière des carrières blanches. Il est chaud et brûle tout sur son passage. Il a fini de me rendre fou ! (épisode 25)

        Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode le vendredi 9 janvier 2015

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