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Le voyageur internautique
13 mars 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 42

maurepas4 n°42

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 42

5 heures du matin. La luminosité du soleil encore sous l'horizon commençait à blanchir le bleu noirci de la nuit. Les mains dans les poches, Maurepas se dirigeait vers l'entrepôt au bout du quai. Il était encore emprunt des odeurs nocturnes que le sommeil diffuse dans le cerveau.  Mantine avait à peine ouvert les yeux quand il s'était servi un café réchauffé sur le gaz.  Depuis qu'il avait découvert le véritable prénom de la Pipette, il avait pris l'habitude de l'appeler Mantine à la place de ce mauvais surnom qu'il n'appréciait pas. Les premières fois, ça avait décontenancé la Pipette. Cette façon de la nommer lui rappelait de bons souvenirs oubliés depuis si longtemps. Maurepas partageait la couche de cette fille de mauvaise vie depuis quelques jours déjà.  En cette matinée de milieu d'été, Maurepas allait enfin gagner un petit pécule. Il s’était promis de ne pas vivre éternellement aux crochets de cette fille. Il avait rendez-vous avec Arturo un drôle de type pas très causant. Il l'avait retrouvé à la capitainerie deux jours avant comme convenu. Un grand gars, fluet, le regard bleu délavé.  La chevelure d'un blond qu'on aurait dit lavée par le sel des embruns.  Il portait un débardeur et un pantalon de flanelle. Un képi et un tatouage sur le haut du bras. Le nez mutin et le sourcil clair donnaient à son visage une douceur que contrebalançait un regard profond dont la fixité mettait mal à l'aise. « Tu te pointes après-demain au déchargement. » Puis il avait ignoré la présence de Maurepas pour reprendre sa discussion avec le capitaine qu'il traitait comme un égal. Maurepas ne savait trop quoi faire, ce fut le capitaine qui le lui cracha à la figure. « Barre-toi maintenant ! » En quittant la capitainerie, Maurepas eut le temps d'assister à la transaction.  De la main à la main. Une belle liasse de billets enroulés sur eux-mêmes tenu par un caoutchouc. 

Le soleil flirtait avec l’horizon, Maurepas marchait d’un pas rapide, il arrivait au bout du quai. Là, se trouvait un hangar, la porte n’était plus tenue que par le haut. Une grosse chaîne la reliait à l’autre pan qui lui était fixe. La partie basse était suffisamment usée, par endroits, cassée, pour permettre à un homme de s’y glisser à quatre pattes. Maurepas approchait du hangar, il cherchait à comprendre ce qui pouvait bien occuper les quelques hommes qui faisaient cercle autour d’un tonneau. Il y avait une fébrilité largement perceptible. Deux types se faisaient face. Ils frappaient simultanément la surface en bois de la barrique cerclée de ferraille. Les autres gars vociféraient les uns contre les autres. Un temps de silence. « Cinquo ! » Les doigts se déployaient à une vitesse surprenante et simultanément, puis le manège recommençait. Les pièces de cent sous sautaient en rythme synchrone avec les mouvements frappés sur le socle en bois de chêne. Ponctués par les éclats de voix, les rires sonores s’entendaient bien au-delà du quai. Arturo déboula par l’arrière de l’entrepôt. Immédiatement, les mains regagnèrent les poches, après avoir récupéré les gains.

- « Toi, toi et toi avec moi. Tiens, on a de la visite, je vous présente lou Toca. »

- Maurepas !

Arturo ignora tout simplement ce qui venait de lui être dit, puis il interpella un des gars.

- « Simon ! »

- Oui…

- Lou Toca, va te remplacer.

- Pourquoi tu fais ça ! Je suis en pleine forme, tu peux compter sur moi !

Arturo s’approcha du type, fit passer sa main dans son dos. Sans qu’on puisse discerner ce qui se tramait, d’un coup, Simon plia sur sa jambe droite. Il tenta de se rattraper au tonneau, mais il bascula et Simon avec.

- Maintenant t’es plus en état de travailler. Et puis j’aime pas qu’on me double, expliqua Arturo tout en redressant le tonneau.

- Je te jure sur la mère que je n’y suis pour rien. J’ai pas voulu marcher dans la combine.

Simon était affalé contre la porte et se tenait le haut de la cuisse. Le sang commençait de perler à travers la toile épaisse du pantalon. Arturo tenait toujours son surin dans la main gauche. Il l’essuya contre sa jambe. Un autre gars resté en arrière et qui visiblement ne voulait pas trop se faire remarquer, recula de quelques pas. Tous les autres firent barrage à sa tentative pour fiche le camp. Arturo se dirigea vers lui. Le couteau monta d’un coup à hauteur de la gorge, très vite nettoyé, il avait retrouvé sa place dans le dos d’Arturo. Le geste avait été ample, une danse vers le visage à peine effleuré. Une ligne rouge était apparue sur le devant du cou, sous le menton. Les yeux grands ouverts, le pauvre homme avait murmurer des paroles incompréhensibles, puis s’était affaissé pour tomber à plat, comme une planche soufflé par le vent. Il avait mis toutes ses dernières forces vitales pour tenter de se redresser, de vivre encore un peu, un instant de plus, avant de basculer. Le bruit mat du corps rompit le silence.

- Tu iras voir le toubib de ma part, il t’arrangera ça, je passerai voir la mère. Arturo s’adressait à Simon, toujours affalé contre la porte du hangar. Elle voulait une place de repasseuse à l’hôtel du port, continua-t-il, elle l’a.

- Merci Arturo.

Simon avait les larmes aux yeux. Il était difficile de savoir si c’était pour sa mère qui trimait comme une esclave dans une cave avec les autres repasseuses pour un salop qui les payait quand il avait le temps, ou bien si c’était pour sa jambe, invalide. Maintenant. Il le savait (épisode 43).

 
           Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode mardi 17 mars 2015

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