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n°41

Les tribulations de Maurepas

Troisième partie

Le vent du large.

Épisode 41

Maurepas était immobile sur le quai, absorbé par ce qui se déroulait sous ses yeux. Un immense voilier, trois mâts, flambant neuf, on l'eut cru tout droit sorti du chantier naval, manœuvrait pour se placer dans la rade.  Les hommes courraient en tout sens. Perchés dans les haubans, d'autres s'affairaient à des hauteurs vertigineuses. Le vent était grand largue et il fallait abattre pour apponter vent de bout et laisser dériver pour venir à quai. 

- « Ne t'en fais pas mon gars. Bientôt t'en sera. Un jour. » 

- Et celui-ci, il n'embauche pas ?

- Tu as entendu le capitaine du port. Et puis, auprès de ceux-là, vaudrait mieux pas que tu trouves de places. 

- Pourquoi ?

- C'est ce qu'on dit.

- Quand viendront les autres bateaux, les vapeurs avec les machineries gigantesques ?

Pipo se tourna vers Maurepas, il avait un regard sérieux que ne lui connaissait pas Maurepas. Sérieux et triste. Une profonde amertume ferma tout à coup son visage. Il fit glisser son bonnet sur son front d'un petit mouvement. De haut en bas. Puis il porta le regard au lointain, tout là-bas, sur l'horizon. Le soleil inondait le ciel d'un bleu d'azur. Le vent tomba, la brise qui apportait un peu de fraîcheur laissa la place à une chaleur qui progressivement envahissait le quai.

- Ils n’ont pas suffisamment de vitesse, ils vont mettre une heure à traverser.

- Pourquoi ?

-S’il n’y a plus du vent ici, c’est qu’il a tourné dans la rade. C’est ce que je pensais, ils vont mouiller là où ils sont.

Les hommes remontaient les voiles, le navire glissait sur l’eau avec une lenteur pesante. Il fit un léger mouvement tournant, l’ancre plongea dans l’eau projetant une gerbe d’eau de plusieurs mètres. La chaîne s’inclina en arrière avant de revenir sur l’avant du bateau, puis s’éloigna doucement.

- Tu n’as pas répondu à ma question.

- Quelle question…

Disant ces mots, Pipo commença de partir.

- Les vapeurs…

- Un jour, comme toi, j’ai voulu partir, et je suis parti. L’erreur, c’est d’être revenu.

Pipo parlait tout en se dirigeant vers le bistrot. Il n’avait pas dans l’idée de s’y rendre, mais de mettre fin à cette discussion. Il contourna l’établissement pour disparaître dans l’une des ruelles, parallèle au quai. Maurepas, avait perdu des yeux Pipo. Il reprit sa position face à la mer. Un petit groupe de marins se scinda de l’ensemble sur le pont. Ils vinrent sur tribord pour entamer une nouvelle manœuvre. Maurepas cherchait à savoir ce qu’ils allaient faire, puis il comprit qu’ils mettaient les barques à l’eau. Deux marins à chaque bout moulinaient de concert les treuils faisant descendre les embarcations le long du bateau. D’autres hommes, arrimaient l’échelle qui allait basculer jusqu’à la surface. Tout à coup, il sentit une présence à ses côtés, il se tourna brusquement.

- Du calme l’ami, si j’avais voulu te faire la peau, tu ne te serais rendu compte de rien. Juste de la lumière qui faiblit. C’est toi qui cherches à t’embarquer ?

Maurepas fit juste un geste de la tête, puis il se décala de quelques pas.

- T’es ou trop jeune ou trop vieux. Trop jeune pour faire le moussaillon et trop vieux pour faire le marin. Demain matin, à 6 heures devant la capitainerie, tu demandes Arturo.

Maurepas dévisagea l’homme qui n’attendit pas sa réponse, il partait déjà rejoindre un gars qui le hélait un peu plus loin.

- Te monte pas le bourrichon, ceux-là ne prennent personne sur leur navire. Un conseil, reste loin d’eux. À demain l’ami.

L’après-midi pointait à peine, Maurepas ressentit la faim. Il n’avait rien mangé depuis la veille. Il prit la direction du bar, se ravisa, il se dit qu’il avait une chance de trouver ce qu’il cherchait un peu plus haut dans la ville (épisode 42).

           Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode vendredi 13 mars 2015