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Le voyageur internautique
31 mars 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 47

maurepas4 n°47

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 47

Il  n’était pas besoin de questions, tous savaient où se situait le lieu de rendez-vous. Un nouveau chargement allait arriver. Le chemin était maintenant bien connu de Maurepas, il fallait une bonne demi-heure pour regagner la plage où s’effectuait le débarquement des ballots. La chaleur était déjà étouffante, la matinée était bien trop avancée pour bénéficier de l’ombre bienfaisante des calanques. La brise qui courait le long du rivage était tombée depuis bien longtemps. Maurepas jeta sa veste sous un abri rocheux, ainsi, il pourrait la récupérer au retour. Personne ne fréquentait ces lieux, et surtout qui aurait l’idée de fouiller et trouver un veston éculé. Maurepas crut discerner l’embarcation, mais les reflets des vagues et le soleil en pleine figure rendaient difficile la vision. Ce n’était pas habituel, s’il s’agissait des marins du trois-mâts, ils étaient très en retard. Une fois la corniche passée, l’embarcation ne fut plus visible, Maurepas n’y pensa plus, il était préoccupé par autre chose. Par Arturo, il n’aimait pas la tournure que prenaient les choses, la façon qu’il avait de l’humilier, de se servir de Mantine comme d’une chose qu’il pouvait maltraiter à loisir, tout cela ne lui plaisait pas le moins du monde, lui tournait les sangs et le rendait morose. Venait se rajouter à tout cela son incapacité à trouver un embarquement dans ce port déserté par les navires qui préféraient rejoindre des lieux mieux équipés et où l’envasement ne réduisait pas les chenaux à la portion congrue. Quelque temps auparavant, un navire de commerce avait pointé le bout du nez pour faire escale suite à une avarie. Une fois à quai, le capitaine du port monta à bord, curieusement, aucun des marins ne fut autorisé à quitter le bord. Une épidémie, ou bien une maladie contagieuse touchait une partie de l’équipage. Ils furent confinés sur l’arrière du navire. La maladie s’était déclarée à l’approche du port, à quelques encablures. Maurepas qui n’avait rien d’autre à faire et surtout beaucoup à espérer, passa les quelques jours de présence du navire de commerce, près de l’appontement. Deux jours plus tard, on enterrait dans des cercueils plombés l'ensemble de l'équipage.  Dans la nuit, le bateau avait disparu. Et les espoirs de Maurepas avec. Il aurait juré qu'une partie de l'équipage du trois-mâts était montée à bord du navire de commerce. Ce fut la barque qu'il reconnut, la même que celle qui les attendait maintenant là, au milieu de la crique. 

Pour la première fois, leur embarcation et celle du trois-mâts arrivèrent de concert sur la plage de sable.  Maurepas eut tout le loisir d'observer cet équipage. Ils ne prêtaient pas la moindre attention à ceux qui était sur bâbord. Ils ramaient avec une parfaite coordination, le visage tourné vers le large.  Indifférents à la côte découpée par de nombreux brisants qui se profilait derrière eux. On aurait pu croire qu'ils avaient des yeux dans le dos tant leur direction était précise pour venir s'échouer sur la petite grève de sable, plantée au milieu des parois vertigineuses qui tranchaient les calanques. Le rythme soutenu de leur rame fit qu'ils accostèrent en premier. D'un mouvement rapide et collectif, ils levèrent leur rame à la verticale.  Quatre hommes restèrent impassibles pendant que deux autres s'avancèrent et firent circuler les ballots sur l'avant. Leur tenue avait quelque chose de ridicule. De vieillot.  Ils portaient tous le bicorne des corsaires. Leur maillot de corps rayé rouge et blanc et leur pantalon bleu marine coupé à mi-mollet les faisaient sortir tout droit d'un livre d'histoire.  À leur tour, ceux de la bande d'Arturo, arrivèrent sur le sable de la plage. Ils eurent tout le mal du monde à gérer le courant très fort à cet endroit. Au lieu de filer dans l'axe de la crique, ils prirent une dérive qui les plaça de biais. En venant frapper la rive l'embarcation se souleva par le travers et tous basculèrent de leur siège.  Le fond était couvert d'eau croupie et sale. Maurepas se releva mécontent d'avoir salopé son unique froc. Il n'eut pas le temps d'y penser beaucoup. Le transfert des ballots se fit à une cadence  infernale, tout ça parce qu'ils étaient en retard. Mais Maurepas nota la tension qui habitait  Arturo.  Jamais il ne l'avait vu dans un tel état, la peur se lisait dans son regard.  L'équipage du trois-mâts impassible semblait pourtant indifférent à ce petit conte temps. Ce n'était pas le cas.  Maurepas comprit que ce qui liait Arturo à ces hommes que personne n'avait jamais croisés à terre, était chose qui comportait un risque vital. Le dernier ballot sur le sable, les six hommes du trois-mâts se désintéressèrent complètement  de la suite des événements. Ils baissèrent leur rame et arrachèrent leur embarcation qui mordait profondément sur le sable avec une facilité qui fit l'admiration de Maurepas. 

- Hé gobe la lune, tu te bouges un peu !

Maurepas regarda la barque s'éloigner à grand coup de rame. Ils avaient déjà acquis une vitesse impressionnante.  Les rames frappaient la surface de l'eau en cadence, il y avait là quelque chose d'une mécanique parfaite qui intriguait Maurepas.  

- Il faut te botter le cul pour que tu te mettes au boulot !

- Ça va, on n’est pas aux pièces.

Maurepas s'empara d'un ballot, il essayait de le caler sur ses épaules quand une clameur soudaine envahit la plage. Si, une heure avant, il avait prêté un peu plus d'attention à l'embarcation qui pointait dans les reflets scintillants de l'ondulation chatoyante que le mouvement désordonné des vagues créait, il aurait compris que la barcasse en question n'avait rien à voir avec celle du trois-mâts (épisode 48). 

           Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode vendredi 3 avril 2015

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