Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le voyageur internautique
10 avril 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 50

maurepas4 n°50

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 50

L'horizon était masqué par une brume laiteuse provoquée par la chaleur trop forte en ce début de matinée. La brise du petit matin avait été impuissante à balayer cette pesanteur qui tombait sur la crique des Ponchettes.  La moiteur donnait aux personnes une démarche langoureuse, le moindre mouvement coûtait, les hommes sur la grève poussaient leurs embarcations.  Ils ne prirent pas la peine de hisser la voile, pas le moindre souffle. Maurepas s'était installé sur la partie du quai cimenté, les pieds barbotant dans l'eau, un filet sur les genoux. Il en avait fini avec l’avivage de la déchirure. Il préparait la navette en bois pour rafistoler ce filet qui s'était pris dans la rocaille. À ses côtés, une gamine l'observait, elle avança la tête pour le voir mieux. Il leva les yeux vers elle, il sourit, elle rougit. Puis il reprit son activité.

- Pourquoi tu es parti de ton village ?

Maurepas dévisagea ce qu'il considérait comme une enfant. Elle s'appelait Katerina. Quelques fois, elle le rejoignait  sur le promontoire pour lui tenir compagnie lorsqu'il passait le temps, installé  sur le banc de granite, le nez planté dans le lointain. La première fois, elle s'était assise sans dire un mot puis elle était repartie, sautillant comme un moineau. Ses yeux noisette respiraient la joie de vivre. Sans être très belle, elle avait un charme qui, lorsqu'on prenait le temps de regarder cette jeune fille, révélait une allure des plus plaisantes. Ses cheveux châtains clairs, qu'elle portait le plus souvent noués sous une coiffe étaient en réalité longs et soyeux.  

- Pour prendre la mer et découvrir ce qu'il y a de l'autre côté. 

Maurepas montrait le lointain qu'on devinait à peine à cause de la vapeur. Elle diffractait les rayons dans une blancheur qui fatiguait le regard. On entendit une voix appeler. Une bonne femme était sur l’autre côté de l’anse formée par ce petit port de pêche. 

- C'est maman qui a besoin de moi. 

- Va, ne la fait pas attendre.

Maurepas remonta le filet sur ses jambes, il se pencha sur la gauche pour tirer le cordage et le nouer au niveau de la déchirure. Lorsqu'il se redressa, il se trouva face au visage de Katerina. Avant qu'il ait eu le temps de faire quoi que ce soit, elle lui vola un baiser qu'elle déposa sur ses lèvres, puis elle se sauva en gambadant comme une gazelle. 

- Si maman a besoin de moi, c'est que je dois y aller.  À bientôt. 

- Tu attrapes de bien jolies choses avec ton filet troué, si j'avais su, je l'aurais gardé pour moi. 

Kostakis était derrière Maurepas, ce qui fait qu'il ne l'avait pas entendu approcher. Katerina, elle, elle l'avait vu, mais cela ne l'avait pas empêché d'embrasser Maurepas. 

- Je ne comprends pas ce qui lui a pris.

- Finalement peut-être que Lou Toca n'est pas si mal comme surnom. 

Kostakis vint s'asseoir au côté de Maurepas, il avait dans les mains une partie du filet, il observait attentivement le maillage nouvellement refait.  

- Tu es vraiment doué pour la réparation de nos filets, mais tu n'y connais rien question fille.  Maurepas resta silencieux, les yeux plongés dans le regard bleu délavé de Kostakis, il pensait à ce qui venait de lui être dit. 

- Tu croyais qu'elle venait s'asseoir prêt de toi pour apprendre le métier. 

Maurepas ne savait quoi répondre, il ne s'était pas posé la question, Katerina était là, à ses côtés, voilà tout. Si elle trouvait cela agréable tant mieux. Elle avait même relevé ses jupes pour glisser ses jambes sous le filet et venir tout prêt de lui. C'était dans l'ordre des choses. Sa présence était un quotidien qui accompagnait sa tristesse. Il ne prêtait pas plus d'attention, lorsque la poitrine délicate de Katerina apparaissait  dans les replis de sa robe quand elle se penchait.  Maurepas était ailleurs et il n'y avait que lui pour ne pas avoir repéré le manège de cette gamine de tout juste seize années.

- Maurepas, j'ai trouvé quelque chose pour toi, qui risque de déplaire à Katerina, moins à sa mère. Quoi que, elle trouve que tu es un bon parti. 

Kostakis éclata d'un rire tonitruant. En voyant la tête de Maurepas, il repartit de plus belle.

- Ne t'en fais pas pour celle-là, elle se consolera vite.  Mon fiston la dévore des yeux dès qu'il la croise. Et il y en a bien d'autres prêts de lui faire la cour. Ce n'est qu'une tocade.

- Que voulais-tu me dire ? Parle donc au lieu de te fiche de moi !

Kostakis faillit s'étrangler à force de rigoler. Lorsqu’il eut retrouvé ses esprits, il devint très sérieux.  

- Je ne t'ai rien dit avant, car je ne voulais pas te faire de fausses joies. Le Patriote est au mouillage pour une semaine, c'est un beau voilier qui fait le commerce de la soie. Ils ont perdu trois gars au cours d'une manœuvre dans les haubans qui a mal tourné. Il y a une place pour toi. 

Maurepas n'en croyait pas ses oreilles, le filet lui échappa des mains et faillit tomber dans l'eau, les deux hommes le rattrapèrent in extremis. 

- Tu ne me fais pas une mauvaise plaisanterie  au moins ?

- Peut-être préfères-tu que je parle à la mama pour savoir quand préparer les fiançailles !

Kostakis, cette fois se contenta d'un sourire. Il aimait beaucoup la petite Katerina qu'il avait vu naître et il la savait très amoureuse de Maurepas. 

- Il faudra être gentil avec Katerina quand tu lui annonceras la nouvelle, elle t'aime bien tu sais. 

- Je te remercie pour tout ce que tu as fait pour moi, jamais je ne pourrais te rendre la pareille. Pour le Patriote, tu peux compter sur moi, j'ai juste quelqu'un à voir, quelqu'un à qui je dois beaucoup et à qui, il me faut dire en revoir. 

- Quelqu'une tu veux dire, ajouta Kostakis en prenant congé. 

- N'oublie pas mon filet, j'en ai besoin pour cet après-midi.

Maurepas suivit du regard Kostakis un moment, puis il se leva, ramassa son filet ainsi que la navette. Il présenta le filet sur le tréteau, il fit le premier nœud de chaise pour constituer la maille de départ, la navette glissait entre ses doigts avec agilité, il ne lui fallut pas très longtemps pour terminer le ramendage. Tout en tranchant le cordage, il repensa à Katerina. Par inadvertance, il se coupa, le sang marqua de rouge une partie du filet. Il lécha son doigt puis l’essuya sur son pantalon. Ce n’était pas la première fois (épisode 51).

           Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode mardi 14 avril 2015

Publicité
Publicité
Commentaires
Le voyageur internautique
  • Le voyageur internautique se propose de vous retrouver au fil des réseaux et des ondulations de la toile pour un banquet sidéral au son des ruminations mentales qui l'habitent ... Affaire à suivre !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité