19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 58

n°58

Les tribulations de Maurepas

Troisième partie

Le vent du large.

Épisode 58

Les coups partaient de toute part. Jamais ils ne touchaient leur but, ils effleuraient Maurepas, le poussant à reculer vers le pont arrière. La seule issue qui se profilait pour Maurepas, c'était de sauter par-dessus bord.  Il n'était plus qu'à quelques mètres du bastingage.  Ou bien mourir.  Faire les derniers pas, Maurepas n'arrivait pas à s'y résoudre. D'où lui venait cette hésitation, il n'aurait pas su le dire.  Et tout spectateur qui eut pu assister à cette mascarade aurait hurlé à Maurepas de quitter le navire au plus vite, regagner son embarcation et décamper rapidement avant d'être étripé. Seulement, d'abord il n'y avait aucun spectateur, et d'autre part, Maurepas n'aurait pas suivi un tel conseil. Toute son attention était accaparée pour essayer de comprendre l'incongruité de la situation. Quelque chose ne collait pas.  Mais surtout, il pensait que Mantine était à bord, pour partie par sa faute, et ça lui était insupportable.  Que les pires ennuis lui arrivent, il n'en avait que faire.  Et puis il croyait en sa bonne étoile.  Mais que quelqu'un soit mis en danger par sa faute, qui plus est une femme, c'était trop lourd à porter.  La colère montait tout doucement en lui. Une colère froide et mauvaise qui lui faisait perdre tout sens des réalités. Ces imbéciles dans leur tenue ridicule qui tournaient autour de lui comme des mouches devenaient exaspérants.  À continuellement suivre des yeux les mouvements de ses adversaires, cela plongea Maurepas dans une sorte d'étourdissement.  Mais au lieu de l'affaiblir, cela décuplait son exaspération pour la transformer une haine envers ces marins. Plus qu'une haine, une démence.  Son regard de fauve acculé prenait une profondeur sombre, étrange.  L'iris avait disparu, absorbé par l'obscur noircissement qui prenait l'ensemble de l'œil. Dans cette transe, absorbé en lui-même, les êtres qui lui faisaient face n'existaient plus que sous la forme d’obstacles à effacer pour arriver à ses fins. Du marin le plus proche,  il s'empara du couteau en le lui enlevant des mains sans plus d'effort que si on le lui avait tendu. Il passa l'arme dans sa main gauche et frappa un des marins qui se trouvait sur son côté droit.  L'homme fut pris de court, ce qui l'empêcha de parer le coup porté assez haut.  Un sang épais et noir s'écoula de la blessure au niveau du poumon. Tous stoppèrent leur déplacement pour se figer dans une immobilité totale. Seul Maurepas se mouvait encore, lentement, afin de se décaler pour pouvoir trouver un meilleur angle d'attaque. Les hommes l'entourant, se regardèrent, pivotèrent sur eux-mêmes, sans une once de précipitation, ils se dirigèrent vers le roof, s'y engouffrèrent pour disparaître. Maurepas émergea de sa transe petit à petit, écarquillant les yeux afin de vérifier qu'il n'avait pas rêvé tout ce qui venait de se dérouler sous ses yeux.  Il regarda ses mains, elles étaient vides et ne contenaient aucune arme. Il baissa le regard pour chercher sur le pont, pas plus de couteau qui aurait pu choir sur  le sol. Maurepas s'appuya sur le cordage d'une des poulies.  La tête lui tournait. Ses genoux fléchirent et il lui fallut un effort considérable pour ne pas s'effondrer sur le pont. Lorsqu'il eut récupéré ses esprits, il repensa qu'il n'avait rien mangé depuis deux jours.  Il se dit que, premièrement, c'était idiot, et qu'il prendrait soin, une autre fois, de se mieux nourrir, et que, deuxièmement, il arriva à la conclusion indubitable qu'il avait rêvé. Il s'avança le plus silencieusement possible pour contourner le mât d'artimon et fila vers l'avant du navire. 

S'il avait pris le temps de regarder derrière lui, il aurait vu une flaque de sang noir, déjà séché (épisode 59).

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prochain épisode mardi 12 mai 2015