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Le voyageur internautique
19 mai 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 61

maurepas4 n°61

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 61

Le jour irradiait l’horizon d’un bleu d’acier. Maurepas son cadavre dans les bras, remontait la travée qui menait à l’échelle du roof. Il circulait au milieu des marins, indifférents. Ils vaquaient à leurs occupations. Tantôt sortant par une porte, les bras chargés, ou bien rentrant par une autre, cette fois les mains vides. Incessant flot d’activités sous le regard sidéré de Maurepas, sa misère sur le cœur, les yeux noircis par les larmes asséchées sur la peau. La moiteur, n’était plus qu’une humidité habituelle en un tel lieu. Un homme lui adressa un sourire, un autre le salua, deux autres s’écartèrent afin de lui laisser libre l’accès vers la sortie. Aucun ne semblait étonné de voir Maurepas et la dépouille de Mantine en ce lieu. La première marche passée, à la deuxième, Maurepas sentit son pied s’appesantir, son allure faiblir. Le trois-mâts ne voulait pas régurgiter sa proie. Plus il retardait l’échéance, plus Maurepas se sentait happé par le navire, pire, il avait la sensation, étrangement dérangeante, d’appartenir à l’équipage. Il dut trouver en lui une force considérable pour s’arracher de la marche qui s’agrippait à sa semelle. L’effort extirpa son pied du godillot, il en fut de même pour la suivante. Les pieds nus, il eut plus de facilité pour continuer son ascension, lente, longue, interminable, sous les sourires narquois des hommes, un sourire crispé par le sentiment que Maurepas échappait à l’emprise du bateau, qu’un des leur brisait le lien qui l’amarrait à ce bâtiment maudit. De rêve en cauchemar, Maurepas devait renouer avec la réalité de ce qu’il était, retrouver son âme, son histoire. Peupler son esprit de tous ceux qu’il avait connu, un à un les nommer, les replacer dans les lieux. Seul un être manquait à l’appel. Un des siens. Il le savait très proche, un homme, peut-être vieux, ni vivant ni mort, ou bien un homme d’église, un sorcier, un faiseur de sortilèges. Et une femme. Car elle n’était plus de ce monde. Hors du temps, hors de la vie, il marchait, son fardeau paraissant s’alourdir au fur et à mesure de sa progression. Portefaix d’un chemin d’enlisement, la terre cédait sous son poids, il s’enfonçait. De la boue jusqu’au genou, il fatiguait. Les hautes herbes couchées par le souffle tempétueux qui se déchaînait, parcouraient la lande d’une ondulation verdoyante qu’un bleu marine irisait en vagues successives. La fatigue embrumait son cerveau de vapeurs morphiniques, ses membres ankylosés le portaient avec la plus grande des difficultés. La pierre qui émergeait du sol, mausolée pour un endormissement apaisant, lui tendait les bras, d’une voix suave et douce, elle l’appelait. « Viens à moi, ici le repos t’attend, en mon sein, je vais te chérir et te bercer d’un amour bienfaisant. Viens à moi, les rêves délicieux t’attentent, je suis ton havre de paix, meure en moi, Maurepas. »

- Pohalzo, hé, bonhomme !

Il recouvrit petit à petit ses esprits. Au bout du promontoire, couché sur son banc de granite, il grelottait. Le vent balayait la crique pour se jeter contre les flancs de la paroi qui se dressaient tels des géants, gardes de temps anciens, protégeant la vallée des hordes déferlantes. À son côté, Kostakis, penché sur lui, la main posée sur le front.

- T’as pas l’air dans ton assiette, mon gars ! On dirait que tu reviens d’outre-tombe.

- Tu ne crois pas si bien dire.

- Pour une fois tu portes mal ton surnom. Aucun bruit, ta respiration était rapide, ton sommeil agité, mais pas le moindre ronflement.

Kostakis lui tendit sa gourde, un mélange de vin et d’eau, encore frais, attendait le gosier de Maurepas. Il ne se fit pas prier.

- Doucement ! Tu vas avaler la peau et la chèvre avec…

Maurepas leva les yeux, il dévisagea son ami, baissa la tête. Une fatigue intérieure, une lassitude pesante annihilait toute son énergie. Au travers de ses loques, il sentait le froid de la pierre sur laquelle il était installé. Elle le pénétrait, s’immisçait en lui, morceau par morceau, le granite se nourrissait de lui, de son errance interrompue le temps d’un repos. Toute l’âme du monolithe, déposé là depuis là nuit des temps, semblait vouloir lui faire comprendre quelque chose que son esprit ne pouvait entendre.

- Il faudra partir tôt, viens manger à la maison, Nastassia sera heureuse de te voir. Il y aura aussi Katerina… Tu devras lui parler, lui dire que tu pars sur Le Patriote… Mon ami, Périandros, t’y attend en fin d’après-midi. Nous nous y rendrons en bateau. Les vents sont au portant, on aura grand largue dès qu’on aura quitté la baie. Je repartirai demain. Périandros me doit beaucoup, il voudra fêter ça.

- Je vais me dégourdir les jambes.

- Ne tarde pas, la mama n’aime pas attendre quand le repas est prêt. Je crois bien qu’elle a fait un souvláki en ton honneur. C’est une surprise, tu feras comme si je ne t’avais rien dit.

- Je vais aller au bout du promontoire respirer un peu l’air du large et j’arrive.

- Au fait, as-tu emprunté des outils ? Le vieux cherche après depuis le matin. Et tu sais que lorsqu’il a une idée en tête, il n’en démord pas.

- Non, ça ne me dit rien. Les racloirs que j’ai pris la semaine dernière, sont à leur place.

- Bon.

Kostakis fit un petit salut de la main, tout en s’éloignant.

- Ne tarde pas trop… (épisode 62)

Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode vendredi 22 mai 2015

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