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Le voyageur internautique
29 mai 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 64

maurepas4 n°64

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 64

Il faisait un temps agréable, la brise d'ouest qui avait porté le bateau de pêche de Kostakis distribuait sans compter une douceur bienfaisante. L'après-midi s'étirait tranquillement en un début de soirée aux parfums enivrants. Les cyprès qui bordaient la tonnelle apportaient une ombre embaumée par la moiteur qui montait du sol. 

Maurepas et Kostakis attendaient la venue de Périandros, le capitaine du Patriote sur lequel Maurepas devait embarquer. Installés au fond de la cour, ils sirotaient une anisette. Les joueurs de palets poussaient des cris à chaque fois que l'enjeu augmentait en fonction des parieurs. 

- Nastassia m'a dit que tu as parlé à Katarina. C'est bien, ajouta-t-il en ayant l'air de méditer sur quelque chose de profond. Elle n'était pas triste, je crois.  Même plutôt calme. Ce n'est pas dans ses façons.  Elle est un peu, comment vous dites déjà…

- Fofole…

- C'est ça, fofole. 

Kostakis prononçait les o en les accentuant, leur donnant une sonorité plus grave.

- Tu veux une deuxième ?

Demanda Kostakis, mais Maurepas ne lui laissa pas le temps de se lever. Il fila à l'intérieur du troquet. Il s'approcha du comptoir, comme il n'y avait personne, il s'installa sur un tabouret. Il n'avait pas prêté attention à la vieille bonne femme emmitouflée dans une pèlerine usée par les années. Tout d’abord, Maurepas l’avait prise pour un pauvre bougre décharné et pas bien grand. Une tignasse qui n'avait pas vu la brosse depuis belle lurette s'échappait de la capuche. Sans lever la tête, semblant totalement accaparée par le contenu de son verre où un fond de vin attendait le gosier, elle interpella Maurepas. Il ne comprit pas qu'on s'adressait à lui. Et surtout, il ne pouvait imaginer qu'en ce lieu qu'il découvrait pour la première fois, on put le connaître. 

- Tu es le petit-fils de Camille, c'est ça !

Ce prénom qui surgissait ainsi, inopinément au milieu de nulle part plongea Maurepas dans la perplexité. Il était jeté au milieu de souvenirs oubliés, occultés.  Le vieux bonhomme de l'ancien village. Ce fou que tous fuyaient quand il lui arrivait de descendre se fournir en denrées. Il jetait l'argent sur le sol et aucun n'y touchait avant le petit matin. Et il ne serait venu à l'idée de personne de s'en emparer si ça ne lui était destiné. Il était un autre usage respecté par la plus part, garder la moitié de la somme pour le tronc de l'église. Sainte Réparate, la vierge brûlée et sauvée par la pluie. La vieille bonne femme repoussa son capuchon pour dévoiler son visage.

- Tu ne me remets pas, hein le Maurepas ! Mais, moi je sais qui tu es.

Maurepas avait beau fouiller dans ses souvenirs, il ne voyait pas à qui il avait à faire. Le patron du bistrot finit par émerger de sa cave. Il prit appui sur le rebord de la trappe pour aider ses mauvaises guiboles à s’extirper de l’escalier afin de retrouver ses appuis sur le sol.

- Deux autres anisettes, s’il vous plaît.

- Minute papillon, laisse-moi souffler un peu. Alors la Bigeot, il est pas bon mon petit vin du pays ! Je vous en remets un autre ? Allez, c’est pour moi.

- Vous êtes de la famille du Bigeot des Ecarts ?

- Tu vois que tu me connais.

- La Marie des Ecarts.

- Comme tu dis. C’est pas mon vrai nom, mais qui s’en soucie dans ce pays de crétins. De toutes les façons, j’y suis plus aux écarts, je suis partie à Malouin.

- L’eau est maudite là-bas, tous les habitants ont déguerpi en 1909.

- Ils sont aussi crétins que vous autres ! Au moins, j’y suis toute seule et personne ne vient me casser les pieds avec des histoires que je porterai le mauvais œil. Même le fils, il a peur de moi avec vos méchancetés.

- Elles viennent les anisettes !

Ils restèrent silencieux, lui et la vieille. Le patron, son torchon sur l’épaule remplit deux verres avec l’anisette, posa un broc d’eau et une cuiller pour le sucre. Il plaça le tout sur un plateau en étain. Maurepas laissa un billet sur le comptoir, puis s'apprêta à prendre congé de la Bigeot.

- Alors comme ça, c’était vrai !

- C’était vrai quoi ?

- Que tu étais un idiot !

Maurepas ne répondit rien, il attendait de voir ou voulait en venir la vieille. Elle lui attrapa la main, la retourna, sortit de sous sa pèlerine une lame recourbée. Elle entailla la paume, le sang coula à peine, elle en humecta son doigt et le porta à la bouche.

- Tu portes la malédiction.

Maurepas arracha sa main de celle de la Bigeot, puis s’éloigna avec le plateau.

- Au pays, ta Solange, elle est crevée de honte. Tu portes la misère dans le ventre des belles mon salop. Et puis t’es fait pour la mer comme la truite est faite pour l’eau salée. Ton papé au lieu d’aller voir les cochonnes avec té, il aurait mieux fait de se gratter le cul.

- Bon, ça va la vieille, faut pas gueuler comme ça, tu fais fuir la clientèle ! (épisode 65)

Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode mardi 2 Juin 2015

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