Que te dire, à toi, dormeur infatigable
Que les arbres au printemps ressemblent à des feux d’artifice
Que les couleurs fleurissent comme des éclats soudains au cœur du Japon
Quand les cerisiers élégants font la cour aux moineaux
Qu’il existe, en terre australe, un ciel si lumineux quand vient la nuit
Qu’on ne peut plus le quitter des yeux
Qu’on s’y perd infiniment
Que les planètes forment de jolies balles rebondissantes
Et qu’il semble qu’un géant s’amuse à un jeu inconnu de tous
Je sais que pour le moment,
Tes yeux se sont enfuis sous l’oreiller
Que la pénombre de l’oubli dans lequel tu t'es enfermé
Te paraît le plus doux des cocons
Pourtant, je voudrais te raconter encore
Ce qu’il y a de magnifique
Quand, au bord du lac Majeur, la brume matinale
Enveloppe de cotonnade soyeuse le paysage
Qu’il y existe des rivières si claires
Qu’on y boit juste pour vérifier que l’eau
Qui s’y écoule existe belle et bien
Que parfois la mer s’assoupit
Et que dans ce calme absolu
Le moindre bateau semble suspendu
Au-dessus d’un vide abyssal
Que se jeter dans cette liquidité démesurée
Fait du corps une jolie pacotille
Ni plus ni moins qu’une brindille
Je sais qu’en l’instant présent,
Tu as le cœur éparpillé
Qu’elle a mangé ton esprit
Que cette sorcière a avalé le peu de vie
Qu’il te restait
Qu’elle a gobé ton œil et depuis
Ton regard s’est évidé de l’intérieur
Je jure par tous les dieux qui existent
Et par ceux qui n’existent pas encore
Je jure sur ma foi en la folie du monde
Qu’il n’est rien qui puisse réduire
L’espoir à un cordage noueux
Que les pieds qui frétillent sous le corps penduleux
C’est encore une fois
Le désir de rêver
Qui veut survivre
Le désir de ces paysages noyés de verdure
Où, parmi les pâquerettes et les bleuets
Une fille échevelée,
Folle de la vie
En une course effrénée
Traverse la petite rivière
Qui serpente dans les herbes hautes.
Une fille qui ne sait pas encore que tu existes
Que tu ne le sais pas toi-même
Car pour cela, il faudrait soulever
Ce putain d’édredon qui étouffe la vie
Qui t’étouffe
Qui m’étouffe aussi