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Le voyageur internautique
22 juillet 2020

Maurepas : la suite (épisode 9)

L’histoire de Boris : cinquième partie

maurepas-suite

Episode 9

Boris n’ajouta pas un mot de plus. Il descendit de son cheval, alla rejoindre Thérèse et Valentin qui dételaient le chariot et préparaient le campement. La chaleur était au rendez-vous, ils décidèrent de dormir à la belle étoile.

- Où est passé Pivoine, questionna Maurepas.

- Il est au bord de la rivière avec Solange, il lui montre comment on pêche à la saisie répondit Valentin tout en déposant le petit bois qu’il venait de récupérer.

Maurepas se désintéressa de la question et rassembla les briquettes pour constituer un foyer. Tout en réalisant le petit muret en forme de u, il interpella Boris.

- Je t’ai dit que…

- Il ne s’agit pas d’histoire, mais de repas. Tu as expliqué que tu ne pouvais plus nous faire la soupe habituelle, que vas-tu cuisiner ?

Il faudra attendre le retour de Pivoine et de Solange, mais si tout va bien, je ferai une soupe de poisson à la façon russe. Chez moi, on appelle cela l’oukha. Thérèse, il nous reste bien des patates des carottes et un oignon ?

Thérèse émit une sorte de grognement qui voulait dire oui.

- Mais il va te falloir travailler aussi !

- Que dois-je faire, questionna Maurepas, intrigué qu’on le sollicite pour préparer un repas, lui qui ne savait guère cuisiner que la polenta.

« Tu connais les herbes ? » Maurepas confirma d’un signe de tête. « Alors trouve moi du thym, de l’aneth ou de l’estragon. Il reste encore du persil cria Boris. » Même grognement de Thérèse. « Il aurait fallu du citron. »

Maurepas partit explorer les alentours. Il revint une heure plus tard. La soupe mijotait déjà, Solange n’avait rien attrapé, mais Pivoine avait saisi trois belles truites.

« Il faudra que tu m’apprennes ta technique de pêche », demandait Boris tout observant ce qu’avait rapporté Maurepas. Il y avait de l’aneth et du thym plus une autre plante inconnue de Boris. « Qu’est-ce que ces feuilles presque rondes et comme gaufrées ? »

- De la mélisse, coupa Pivoine avant que Maurepas n’ait eu le temps de parler. Cette plante donne un goût citronné, Maurepas est plus malin que je ne le pensais, ajouta-t-il.

Maurepas se renfrogna, mais la claque de Valentin sur son épaule l’aida à retrouver sa bonne humeur. L’odeur agréable de la soupe n’y était pas pour rien non plus.

- Demain, la route sera longue, il faudra se coucher tôt et partir de bonne heure pour éviter la chaleur, expliqua très sérieusement Solange. Maurepas dormira avec moi dans la roulotte, tu es d’accord Thérèse ?

La jeune fille sourit, Valentin donna une deuxième claque sur l’épaule de Maurepas et Boris ajouta un clin d’œil appuyé.

- N’oubliez pas tous les deux qu’on doit se lever bonne heure, répéta Pivoine en singeant Solange.

Tous partirent d’un grand éclat de rire, excepté Maurepas qui n’aimait pas beaucoup qu’on évoque ses escapades nocturnes en public.

Le lendemain matin, au jour naissant, tous étaient déjà en route. Maurepas était de bonne humeur. Il n’était pas besoin d’ajouter de mot pour que tous comprennent que la nuit avait été agréable pour lui. Solange était en tête et chevauchait près de la carriole, elle parlait avec Thérèse pendant que Valentin finissait sa nuit à l’arrière. Boris vint se placer à hauteur de Maurepas.

- Le prince Coriakine m’aimait, commença Boris, puis il se tut.

- Oui, je sais cela, mais pourquoi, finit par demander Maurepas.

- Cosaque, tu ne sais que poser des questions, est-ce qu’un jour, tu vas apprendre à penser par toi-même. Le petit Prince m’aimait, il aimait les garçons, insista Boris. Pourquoi crois-tu que le Barine était venu faire un tour dans une ferme dont il n’avait que faire.

Maurepas n’arrivait pas à comprendre ce qu’on lui disait. Des garçons qui aiment les garçons, des monstruosités contre nature, il dévisagea Boris essayant de se le représenter tel qu’il apparaissait sous ses yeux.

- Mais… et toi, comment faisais-tu pour… enfin que…

- Cosaque, tu ne comprends jamais rien ! S’écria Boris dans un grand éclat de rire comme il en avait l’habitude.

Il s’approcha de Maurepas et décocha une grande claque dans le dos qui faillit le désarçonner. Le cheval partit d’un coup au galop. Maurepas n’avait pas eu le temps d’attraper les rênes avant que Boris ne cravache le cheval. La bête en furie traversa la lande au triple galop, Maurepas s’accrocha au cou du diable en personne. Le cheval martelait le sol, de ses sabots, il faisait jaillir les pierres et la poussière sur son passage. Maurepas fut sur le point, à plusieurs reprises, de dégringoler de sa selle, il ne dût sa survie qu’à sa puissante musculature. Le cheval finit sa course au milieu de la petite rivière qui courait dans les roseaux. Le cheval secoua la tête tout en la plongeant dans l’eau qui s’écoulait paisiblement. Lorsqu’il fut rafraîchi suffisamment, il fit quelques pas au trot. Maurepas qui avait récupéré les rênes remmena la bête sur la rive où Solange l’attendait, hilare accompagnée de Pivoine. Boris arrivait un peu plus loin, lui aussi riant aux éclats, fier de sa farce.

- Hé cosaque, s’écria-t-il avant même d’être à hauteur de Maurepas, il te faut encore un peu d’entraînement avant d’être un bon cavalier russe.

Solange et Pivoine descendirent de leur monture pour se rafraîchir, laissant Boris et Maurepas toujours sur leurs chevaux, arrêtés sur la rive.

- Moi aussi, j’aime les hommes, continua Boris. Qu’est-ce que tu crois, ce soir-là dans l’écurie, j’ai passé la plus belle nuit de ma vie dans les bras du petit prince qui n’avait de petit que ce sobriquet dont l’avait affublé sa mère. Et nous devînmes les plus grands amis du monde. Il me nomma son laquais attitré et nous parcourûmes le monde tous les deux. J’étais un mauvais laquais, mais un très bon amant. Et nous partîmes pour la Riviera. Ce fut à la fois un voyage merveilleux et la plus horrible des choses.

Maurepas n’avait pas remarqué, mais Boris pleurait, ses grands yeux bleus étaient noyés de larmes. Ce grand bonhomme n’était plus qu’un pauvre bougre, plié en deux. Maurepas se laissa glisser de son cheval pour s’approcher de Boris. Il aurait voulu trouver les mots pour consoler son ami. Mais il était encore trop bouleversé par ce qu’il venait de découvrir sur les mœurs de son compagnon de route. Il ne savait plus comment s’adresser à lui. Et puis deux hommes qui s’aimaient, il ne pouvait le concevoir, il en était encore à essayer de s’imaginer la chose. Il fit le tour du cheval de Boris, car l’animal avait légèrement bougé. Mais quand il arriva à la hauteur de Boris, celui-ci se redressa d’un coup, lui jeta sa gourde. Il éperonna son cheval et partit au triple galop en hurlant comme un fou.

 l'histoire de Boris : épisode 10

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