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Le voyageur internautique
23 juillet 2020

Maurepas : la suite (épisode 10)

L’histoire de Boris : cinquième partie

maurepas-suite

Episode 10

- Le prince Coriakine, le petit prince Coriakine, se reprit Boris en haussant la voix, avait aussi un défaut, il pouvait être insouciant.

Boris avait repris la route en compagnie de Maurepas, l’après-midi s’annonçait étouffante. Heureusement, le chemin s’enfonçait en une forêt de petits arbustes suffisamment hauts pour procurer un peu d’ombre. Le soleil scintillait au travers des branchages, rythmé par l’allure des chevaux.

- Il était tellement certain que son appartenance à la plus haute aristocratie russe le mettait à l’abri des ragots et de la haine. Mais au retour de la riviera une mauvaise surprise nous attendait. Le petit peuple avait monté le clergé contre le petit prince. L’archidiacre de Saint-Pétersbourg lui-même avait envoyé une mise à l’index. Certainement un arrangement entre puissants pour affaiblir le prince Coriakine auprès du Tsar. Nous sommes arrivés en calèche au tout début de l’après-midi. Une fois la calèche engagée sur la route de la ville, après les remparts, ils ont couché un tronc pour nous empêcher de faire demi-tour. La foule s’est amassée autour de nous. Ils avaient sans doute été prévenus de notre arrivée. Peut-être par des guetteurs. Les paysans et gens de ville nous ont jeté des pierres. Le Barine a tenté de prendre les rênes pour sortir de ce guet-apens. Il a forcé un premier barrage en renversant un groupe armé de fourches et de piques. Pour son malheur et pour celui du petit prince, il a été agrippé et jeté sur le sol puis roué de coups.

- Et la vieille princesse ?

- Comme tu sais bien parler des femmes ! Bien qu’épargnée, elle s’était enfermée dans l’une des tours d’où il fut impossible de la déloger. Elle y est morte folle, bien après les évènements. Il paraît qu’elle avait arrêté de se nourrir. Personne n’a su comment elle a pu survivre ainsi aussi longtemps. Il a fallu la sortir de force plusieurs mois après cette affaire. Elle mangeait sa propre merde et puait tellement qu’il fallut plusieurs tentatives avant d’arriver à pénétrer les lieux. Elle est morte en en sortant.

- C’est une bien triste affaire.

- Oui.

Boris resta pensif un moment. Maurepas n’osait pas le déranger de peur qu’il ne se fâche. Ils sortirent du couvert pour se trouver en plein soleil. La chaleur n’était que fournaise. Heureusement, au loin, la forêt reprenait. Pendant toute cette traversée, ils avancèrent silencieusement, se retournant de temps à autre pour voir si leurs compagnons suivaient. Ils entrèrent à nouveau sous le couvert végétal. Pas un animal ne se faisait entendre si ce n’était le concert assourdissant des cigales.

- Je dus ma survie à la chance.

- Qui a repris les rênes après que le Barine a été jeté bas.

- Les paysans ont réussi à stopper la calèche. Ils nous ont sortis comme des chiens, battus, molestés, nous étions couverts de crachats. Heureusement pour ma vie, leur colère allait vers le petit prince. Ils nous ont traînés au travers de la ville. Tantôt tirés par le col, tantôt rampant, tantôt courant nous sommes arrivés sur la grand-place. Et là, j’ai compris ce qui nous attendait. Ces porcs avaient dressé un bûcher devant lequel se tenaient de prétendus juges. Le procès s’est résumé à la lecture de l’accusation envoyée par l’Archidiacre.

- Ils voulaient te jeter dans les flammes aussi ?

- Evidemment. Mais ces crétins de paysans bien trop occupés à se régaler de voir les flammes se repaître du petit prince qui hurlait de douleur m’ont oublié. J’en ai profité pour leur fausser compagnie.

- Tu n’avais plus rien, pauvre homme, tu as dû vivre comme un miséreux à mendier ta nourriture pour ne pas mourir.

- Mon ami, tu portes sur moi le regard d’un enfant sur son père. À la nuit tombée, je suis retourné à la demeure de la princesse. J’avais depuis longtemps trouvé où ils enfermaient leur argent, je n’ai eu qu’à me servir pendant que les gardiens se débattaient avec la vieille folle qui les faisait tourner en bourrique. J’ai volé un cheval, pas celui du petit prince, un étalon bien trop fougueux et j’ai chevauché la nuit entière et le jour complet avant de prendre un peu de repos. Puis j’ai remis ça des jours durant pour atteindre une gare éloignée où je ne risquais pas d’être reconnu. J’y vendis mon canasson puis je montai dans le train pour Vladivostok, mais la nuit n’est plus très loin et je crois que nous arrivons.

- Attends…

Maurepas n’eut pas le temps de finir sa phrase que Boris avait fait demi-tour pour rejoindre Solange, Petit Pierre et Pivoine qui discutaient sur le meilleur emplacement pour dresser le camp. Au loin, un plateau légèrement surélevé au milieu duquel se dressait un arbre beaucoup plus grand que les autres, semblait un lieu idéal. Pivoine cravacha son cheval, il fila comme le vent dans cette direction pour aller voir ce qu’il en était.

 l'histoire de Boris : épisode 11

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