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Le voyageur internautique
25 juillet 2020

Maurepas : la suite (épisode 12)

L’histoire de Boris : cinquième partie

maurepas-suite

Episode 12

Le feu brûlait encore, la lune glissait dans le ciel parmi les étoiles. Les cigales s’étaient un peu calmées. Brisant le silence, on entendit le hululement d’une hulotte. L’arbre bien plus grand que les autres qui couvraient la campagne ressemblait à un gardien surveillant les enfants assemblés sous sa protection. Boris avait accepté de continuer son histoire contre une bouteille d’eau-de-vie que Valentin cachait dans le fond du chariot. Lorsqu’il en eut ingurgité le tiers, il s’installa confortablement et tout en attisant le feu, il se mit à parler.

- Un brave homme ce Stéphan. Il ne savait que faire pour contenter sa fille. Car cette belle jeune fille portait en elle la tristesse de ne pas avoir connu sa mère morte en couches. Elle n’avait que de ces sourires plus tristes que des pleurs. Elle mangeait peu, ne prenait plaisir à rien, s’il fallait aller au bal, elle ne le faisait que pour satisfaire son père. Tous les prétendants se battaient pour un tour de danse, mais ils ne pouvaient rien espérer de mieux. Un jour, le père de la fillette vient me trouver dans la cuisine. Il s’installe à mes côtés et demande un morceau de pain du fromage et du vin. Nous voilà comme deux comparses à deviser. Il me fait part de son inquiétude, car l’anniversaire de sa fille arrive et il n’a pas la moindre idée de cadeau. Il me parle de bijoux, de colliers, de robes somptueuses, mais je sens bien qu’il n’est pas satisfait. Alors il me demande si je n’ai pas une idée. Je lui parle de la Riviera, de la gaieté de cet endroit, des fêtes somptueuses qui l’on y donne, que tous les plus beaux garçons de Russie s’y pressent pour dépenser sans compter et courir les amours les plus fous. Je lui explique que c’est le paradis des jeunes filles en fleur. Il me demande d’évoquer ce lieu le lendemain au cours du dîner tout en faisant le service, l’air de rien.

- Et je parie que la belle est partante pour l’aventure.

- Tais-toi un peu Petit Pierre, laisse-le raconter. Si tu l’interromps à tout bout de champ, on aura la fin quand on sera de retour chez nous.

En parlant, Solange s’était glissée tout près Maurepas pour trouver un peu de chaleur et se blottir tout contre lui.

- Et laisse un peu ma bouteille tranquille, il n’y en a plus d’autres.

- Tu as raison Petit Pierre, la description que j’en fis alluma un peu de joie dans son visage d’ange.

- Tu as l’art de raconter aux filles de quoi les emporter au septième ciel, ironisa Valentin sous le regard plein de reproches de Thérèse.

- Que Dieu t’entende !

Il y eut tout à coup un grand silence. Solange se raidit et tous regardèrent Maurepas.

- Mon ami, laisse donc le Bon Dieu là où il est et écoute plutôt la suite de mon histoire. Un bon mois s’écoule, l’hiver touche à sa fin et nous voilà partis avec le dégel pour la gare de Kiev, de là, nous prenons le train bleu. Le père a dans l’idée de passer par les Alpes. Il veut faire découvrir la vallée des merveilles. Nous voyageons en diligence, ça prend des jours et des jours. Nous faisions étape dans les auberges les plus réputées. Un soir, où nous avons été retardés par les intempéries, nous sommes obligés d’écourter notre étape. Nous entrons dans un relais d’étape. Nous demandons le couvert, le pauvre homme veut le meilleur pour sa fille, il montre son argent pour expliquer qu’il peut payer. Après une bonne soupe et un bon repas, eux montent à l’étage pour prendre la chambre la meilleure, celle des patrons. On y met des draps propres, des draps blancs comme la neige, mais le lendemain, ils sont rouges comme le sang, le sang versé par l’homme et sa fille égorgés dans la nuit.

- Je connais cette histoire, on la racontait au village au moment de la veillée.

Boris dévisagea Maurepas, se leva pour tisonner le feu. Puis se tourna vers les autres, « Un besoin pressant qui ne peut attendre. » Il se fondit dans l’obscurité, on entendit le froissement des buissons. Le crépitement du feu prit le relais. Valentinse leva à son tour, fit quelques pas sous le regard inquiet de Thérèse. Il resta debout à fouiller la terre avec la pointe de sa chaussure. Solange s’était redressée, elle dessinait dans le sable avec le bout du doigt. Pivoine se curait les ongles avec la pointe de son couteau, pendant Petit Pierre fabriquait une sorte d’entassement avec les pierres. Une légère brise soudaine se déversa sur la plaine.

- Et toi, comment t’es tu tiré d’affaire ?

- Je crois, car je ne suis certain de rien, j’ai fait l’ivrogne, j’ai erré dans les rues et un jour, au sortir de mon cauchemar, j’ai appris qu’on avait fermé cette auberge, arrêté les tenanciers, jugés et pendus haut et court. Je me suis installé dans cette bâtisse à l’abandon dont personne ne voulait reprendre la gérance à cause de la mauvaise réputation. J’y ai d’abord dormi d’un grand sommeil. Puis je me suis mis à servir quelques repas chauds pour les relais de poste. J’y ai accueilli les passants en attendant la venue de la mort ou de la providence.

- Et nous sommes arrivés. Maintenant, il est temps d’aller se coucher expliqua Thérèse tout en attrapant Valentin par le bras. Laisse un peu de liqueur pour demain et viens donc me tenir compagnie.

vent de folie : épisode 13

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