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Le voyageur internautique
2 août 2020

Maurepas : la suite (épisode 20)

Vent de folie : cinquième partie

maurepas-suite

Episode 20

Lorsque Lucas s’engagea sous la tente. Tout d’abord, il ne trouva pas son compagnon. Une angoisse le saisit. En réalité, il était sous ses yeux, mais il ne le voyait pas. Son esprit refusait de le voir, comme s’il se délectait de la peur qu’il avait lui-même inventée.

- Alors comme ça, grâce à moi, t’es aux petits oignons ?

Charles avait l'air de bonne humeur. Un petit sourire ironique illuminait sa figure. Un sourire que Lucas ne lui connaissait pas. Un sourire qui servait aussi de masque. Un masque pour dissimuler un profond désarroi. Charles avait pris un éclat d'obus dans le bas du dos et, malgré les paroles rassurantes du médecin, il pressentait que son hémiplégie allait durer bien plus longtemps que ce qu'on lui laissait entendre.

- C'est le grand benêt qui s'occupe de toi je parie, continua Charles.

- Ben oui, je connais pas son nom, mais ça doit être ce gars dont tu parles.

- Il s'appelle De Sailly, Fabien De Sailly. Il est de la famille de l'amiral du même nom. Il est un peu bizarre, mais c'est un bon chirurgien. En tous les cas, il ampute correctement.

- Comment tu sais ça ?

- Les infirmières m’ont à la bonne. Je suis un des rares qui peut leur tenir la bavette et qui ne se plaint pas trop.

- Parle-moi plutôt de toi.

- Ici, le toubib c'est un bon à rien. Maréchal des logis Pissetrou. Tu parles d'un nom à la manque.

Les deux hommes restèrent silencieux un moment. Lucas voulait que son ami lui parle vraiment de ce qu'il ressentait, mais il ne savait pas trop comment s'y prendre. Et puis il était mal à l'aise de savoir Charles lui être redevable. Entre eux, leur façon de se considérer avait changé. Ils étaient encore amis, mais plus exactement comme avant. Une des infirmières de la section soins vint à passer. Elle s'arrêta à hauteur des deux hommes.

- C'est votre sauveur qui vient vous rendre visite. Lucas, c’est votre nom n’est-ce pas ?

Mais sa question n'attendait pas de réponse, elle était déjà sur le départ.

- Elle m'aime bien. Je crois même qu'elle me fait du gringue. En plus, elle est célibataire.

Charles meublait comme il pouvait. Il comblait le vide redoutant les questions de son ami.

- J’ai même réussi à connaître son petit nom, Sophie. C’est pas jolie Sophie ?

- Si, concéda Lucas. Et les blessures par balles ?

- Une dans la jambe droite et l’autre dans le gras, elle finissait sa course. Pour la jambe, je m’en fous un peu, pour ce qu’elle va me servir.

- Dis pas ça.

Voilà ce que redoutait Charles, obliger son pote à mentir, à faire semblant avec le sourire en coin, mais l’œil triste. Cela provoqua une émotion qu’il ne put soutenir plus longtemps et il fondit en larmes. L’infirmière repassa dans l’autre sens.

- Si c’est pour lui démonter le moral, je vais vous faire interdire la salle !

- Elle raconte ça pour rire, dit Charles tout en s’essuyant avec le mouchoir que lui tendait Lucas.

- Je vous entends, et je ne raconte pas ça pour rire !

Les deux hommes se turent, on entendait plus que les pauvres gars encore conscients qui se plaignaient. Les mots n’en étaient plus, car tout au fond d’eux, ils avaient perdu espoir qu’on puisse faire quelque chose pour les soulager.

- Tu sais, finalement je m’en sors pas si mal.

- Dis pas de conneries !

Pour une fois, Lucas exprima une vérité. Son visage s’était fermé.

- Regarde les autres, tous estropiés à vie. Y en a, leurs mères ne les reconnaîtraient pas… J’ai même pas demandé de tes nouvelles…

- Je m’en sors bien, une belle estafilade au-dessus de la hanche.

- Tu pourras impressionner ton Isabelle… C’est vrai que t’es parti à la place d’un autre pour payer tes dettes ?

- Oui.

- T’es un véritable imbécile.

- Je risque rien, je te l’ai dit.

- Tu recommences avec ta malédiction. Si ça se trouve, c’est des histoires de villages. Des raconteries comme ça, je pourrais t’en citer un wagon. Tiens, le voisin de mon père, un rebouteux, il disait qu’il passe sur le feu et qu’il ne sent rien. Ce con a perdu l’équilibre, il s’est cramé les poils du cul, depuis il ferme son clapet.

Lucas sourit, un vrai sourire. Charles n’en dit rien, mais il était content de retrouver son ami.

- Pour moi, c’est pas une histoire, c’est vrai. T’as bien vu, je suis allé te chercher et je suis-je toujours en vie. Personne dans les gars de notre section n’aurait parié un rond sur mes chances de réussite. Alors qu’est-ce que t’en dis !

- Que t’as quand même pris un coup de baïonnette et que tu as de la chance d’être encore en vie.

Charles resta pensif, puis il ajouta : « Raconte-moi un peu ton histoire de malédiction, avec les détails, pas comme la fois dernière. »

vent de folie : épisode 21

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