Chapitre 13 en forme de réponse au chapitre 12

Chapitre 12

Je ne savais pas quoi faire. Je suis retourné au bord du lac. L'eau est gelée c'est étonnant pour le printemps. 

J'attendais le retour de quelque chose, sans trop savoir ce que j'espérais. 

Mais rien. Ce lac est désespérément plat. Pas une ride pas un mouvement sur l'eau.

Le vent est tombé. D'ailleurs y en a-t-il jamais eu ?

Kenza ne m'entend plus. Je la vois mais elle ne perçoit plus les sons que je tente d'émettre. C'est flippant je n'entend pas moi même le son de ma voix. Il résonne dans mon crâne mais ce n'est pas ma voix, en tous les cas pas celle que je connais, elle est comme étouffée. Je préfère me taire j'ai l'impression que ce n'est pas moi qui parle.

On dirait que l'air a perdu sa capacité à transmettre les sons, il ne vibre plus.

Je n'en peux plus.

Le temps est arrêté. Les mouvements semblent sans consistance.

Je me fous à l'eau. J'en peux plus.

17h08 Je suis trempé comme une soupe. Qu'est-ce que je fous dans cette salle ? Je ne suis jamais venu ici avant. 

17h11 Sur le coup je n'avais pas remarqué la présence de Kenza.

17h18 C'est le bureau d'une psychiatre. Je ferais bien de m'inscrire pour la prochaine consultation. 

17h20 Kenza n'entend toujours pas ma voix. Elle semble parler a quelqu'un mais a qui. Je perçois a peine un murmure inaudible. On dirait qu'elle est de l'autre côté d'un mur dans une pièce attenante.

17h22 Je ne comprends pas un traître mot de ce qu'elle raconte. 

17h25 J'aime regarder son visage. Elle est en colère mais je sais pas pourquoi. Elle est encore plus belle quand elle s'énerve.

17h27 Je me suis trompé, elle n’est pas en colère, elle est si triste que les larmes inondent la clarté de ses yeux.

C'est insupportable. J'ai le goût de la vase dans la bouche. Dans les narines aussi. Tout mon corps est empuanti par cette odeur de pourriture. Et toujours cette même clarté irréelle et ce silence. Il est tellement angoissant.

Ca recommence.

J'en suis certain il y a quelque chose !

Ou quelqu'un. Peut être un animal qui rode sur les rives de ce maudit lac. 

C'est une femme. Elle doit avoir une trentaine d'années. Peut être plus. Je ne sais j'aimais donner un âge. 

Elle a les yeux exorbités et ses lèves sont tuméfiées. Ses habits sont mouillés et ils dégoulinent. 

Elle s'approche de moi. Elle me fait signe.

Elle est livide, blême. Elle me sourit mais son sourire me fout la frousse.

Je sens ses mains poisseuses sur mon corps. Je suis englué dans cette saloperie de vase jusqu'aux mollets. Elle approche sa bouche tout près de mon cou. Son odeur est pestilentielle. La terre gluante et grasse empuantie arrive juste sous mon menton. Je suis aspiré par cette masse comme on gobe un œuf. Sa bouche est collée sur moi. Son regard, ses yeux plongent dans les miens on dirait quelle me vide de ma substance. Elle me boit. 

18h J'aimais je n'ai été aussi heureux d'entendre a nouveau la voix de Kenza. Je me sens revivre. Ce lac est le miroir de ma folie.

18h11 L'écoulement du temps ressemble au grains de sable qui défilent dans le sablier. C'est une joie immense de ressentir cela. Jamais je n'avais prêté attention a cette sensation. Simple plaisir des secondes qui s’égrainent pour marquer le passage d'un instant au suivant, découpage infini d’un devenir. 

18h25 Je ne veux plus penser au lac. Je ne veux plus penser qu'au visage de Kenza. Au son mélodieux de sa voix. Elle me manque tellement. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point. 

18h34 Je m'en veux d'avoir été si nul. J'avais le bonheur à portée de mains. 

18h55 Entre mecs on est vraiment cons.

19h Je ne veux plus être dans cet endroit. Plutôt ce non lieu, cet entrelacement du temps où je me suis perdu. Il faut que cela finisse, ce cauchemar n’en est pas un. Malheureusement.

19h01 J’ai le sentiment, en y repensant, que Kenza parlait de moi dans la pièce de la psychiatre. Comme si elle tentait de me révéler quelque chose, d’essentiel, de vital. Quelque chose qui me concerne directement, mais quoi ?