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Le voyageur internautique
11 août 2014

19 heures c'est l'heure de l'épisode nº39

J’ai peut-être deux solutions de rechange. Selon trois jeunes délinquants de la banlieue de Condom, on peut utiliser, l’air de rien, la connexion du Café des Sports. Sinon il y a un Cyber Café sur la route de Eauze. En attendant le retour d’un WIFI digne de ce nom je continue à mettre l’épisode directement sur le blog. Bonne lecture.

Résumé des épisodes précèdents : Jacques regarde Jeanne autrement, il voit en elle une femme. Colette est heureuse de voir qu’à trois il ne font plus qu’un quand elle sert tout le monde dan ses bras.

Dans une temporalité différente, Michelet cherche toujours comment les deux filles ont bien peu se débarrasser de Margueritte. Elodie aimerait bien savoir pourquoi le Walther P38 n’a pas fonctionné quand elle a mis en joue sa mère. Et Syrine dans tout ça, Syrine elle sombre car elle a peur de découvrir ce qu’elle sait déjà : que sa copine est timbrée de chez timbrée.

Trente-neuvième épisode
En un tour de roue
Comme tous les jours, le cycliste roulait, il traversait et retraversait la banlieue. Un coup dans un sens et un coup dans l’autre. Pour se rendre sur son lieu de travail c’était le moyen le plus simple et le plus économique. Pendant que les chauffards s’envoyaient de jolis noms d’oiseau, lui, à travers la campagne bucolique, il cheminait. C’était une campagne en forme de cimetière, de remblais pour les voix ferrées et je jardins ouvriers, mais pour lui c’était sa campagne. Il venait de couper la N1 évitant soigneusement les gravas en tous genre qui encombraient la route quand la pluie se décida à tomber. Il était à mi chemin, il sauta du vélo et sortit son costume de pluie. Un joli coupe vent tout crasseux, des surbottes qui lui donnaient l’allure d’un plongeur qui aurait perdu son océan et des couvres sacoches orange fluo qui n’auraient pas déparées dans le carnaval au milieu de Gill’s. Il essayait d’enfiler sur surbottes sans poser le pied par terre quand à son côté passa un vieux bonhomme, la pipe au bec, son chien en laisse et un curieux petit gars qui criait oua oua. Ce fut d’ailleurs à cause des oua oua criés dans son dos qu’il mit le pied sur le sol détrempé par la pluie. Il allait médire envers l’auteur de la mauvaise blague. Mais en découvrant ces trois personnages qui suivaient leur route dans une harmonie parfaite, il préféra rester coït. Il les connaissait bien, car tous les jours, à la même heure il les croisait. En repensant aux premières fois où il les avaient vu il se dit qu’à cette époque il n’aurait pas parier un kopeck sur leur avenir. Maintenant, on dirait un grand père et son petit fils allant promener au parc ou bien partant acheter une glace. Ils avaient l’un sur l’autre une influence réciproque. Le vieux monsieur semblait même heureux, plus posé, le nez dans les nuages il semblait rêvasser à on ne sait trop quelle aventure envoutante. Ou bien à une belle jeune fille dont il aurait fait son quatre heures. Le petit accroché au chien lui aussi respirait la joie de vivre. Il le tenait par la queue. Il semblait bien que le chien n’appréciait pas vraiment, mais peut être plus que les touffes de poils arrachés. Tant bien que mal ils étaient arrivés à une sorte d’entente cordiale.
Une fois bien équipé, notre cycliste, avec un pied trempé dans une chaussette imbibée d’eau et l’autre bien au sec, enjamba sa bicyclette pour constater avec un certain dépit qu’il ne pleuvait plus. Il fit quelques tours de pédales dans l’espoir que la pluie allait reprendre. Il en est des caprices du temps comme de celui des femmes : imprévisibles. Il redescendit de son vélo pour enlever tout ce qu’il avait enfilé. Inutilement donc. Car il en est des vêtements de pluie comme de la gomme arabique, quand on en a pas besoin ça sert à rien de s’en servir. Trop équipé, on arrive sec à l’extérieur et trempé à l’intérieur. Il se recula pour enlever le sandow qui rendait impossible l’ouverture de la sacoche. D’un coup, il se retrouva projeté sur le côté. Il n’avait pas remarqué les deux jeunes filles qui se rendaient à leur lycée.
- « Je suis désolé je ne vous avais pas vues.
- Tu pourrais faire attention vieux con !
- Bouge un peu t’encombres la chaussée avec ton merdier.
- Vous pourriez être polies.
- Quand on s’habille chez les sous-mariniers on va barboter dans les pataugeoires ! »
Le cycliste regarda les deux gamines s’éloignées. Elles aussi il les connaissait, il les avait déjà croisées à plusieurs reprises. La première fois ça remontait déjà à loin. L’une poussait son vélo et l’autre marchait à ses côtés. Comme elles avaient l’air heureuses à ce moment là. On les aurait cru sœurs. Elles rigolaient sur le chemin parlant d’avenir ou bien de jolis garçons. Mais à cet instant leurs visages étaient sombres. Une d’elle, celle au teint mat, avait les traits tirés. L’autre marchait devant, ignorant presque sa copine. De les voir comme ça, cheminant l’une derrière l’autre le cycliste pensa aux noirs du foyers SANACOTRA à côté de chez lui. Eux aussi, sur le chemin de la gare, ils marchaient l’un derrière l’autre, se parlant à distance. Au moins eux s’adressaient la parole. Il fut un peu triste de les voir ainsi, le destin pesant lourd sur leurs épaules. Il ne leur en voulait même pas d’avoir été impolies. Il leur en voulait de n’être plus ces délurées insouciantes qui partaient bras dessus bras de dessous à la conquête du monde. Si elles abandonnent alors qui relèvera le défit que lui n’a jamais su relever. Un drapeau rouge planté dans la cervelle, une faucille en travers de la gorge et une enclume à la place de la conscience il en était encore à se demander comment tout cela avait bien pu se passer ainsi. Il avait prit racine dans ce qui fut la banlieue rouge, on la lui avait prise pour en faire un zoo dans lequel il avait le rôle du zèbre.
Appuyant sur les pédales comme un sourd car il était en retard, il dépassa les deux filles qui l’ignorèrent, puis les trois acolytes qui en firent autant. En arrivant sur Stains, il coupa par le Clos Saint-Lazare. A cette heure de la matinée, tout était calme. Les grandes bâtisses dressaient un rempart inutile contre d’éventuels ordres de barbares. Elles regardaient vers l’Est, désabusées. Il était l’heure de la cantine dans les écoles. Les marmots sortaient tranquillement pour rejoindre leurs chez eux. Deux par deux ou bien en grappes discontinues, une maman à la main ou bien pas du tout ils partaient rejoindre la vie hors de l’école. Lancé à pleine vitesse dans la rue Paty qui n’avait rien à voir avec la chanteuse du même nom, il repensa à ce vieux bonhomme avec son chien et l’enfant. Qu’ils inspiraient confiance, quelle sérénité et quel engagement. Supporter un enfant autiste avec une telle abnégation. Le cycliste avait déjà eu l’occasion de voir des émissions sur les autistes à la télé et celui-là, il en était certain c’en était un. Fort de cette certitude, il poursuivit sa route, celle qui traverse la banlieue de part en part. Il cherchait à comprendre ce qu’il faisait là. Ce qu’étaient devenues les gigantesques usines avec leurs cheminées rassurantes ; les cortèges d’ouvriers qui quittaient le turbin, usés par des journées harassantes mais fiers d’être ouvriers ; le bruit des machines outils quand elles tournaient à plein rendement ; les lendemains qui chantaient un avenir lumineux où les hommes les mains dans la main allaient construire une société radieuse. Alors oui, ce type avec son biclou à coups de pédale essayait de donner un sens au monde qui s’enfuyait déjà au devant de lui. Peut-être que finalement, il pédalait à l’envers.
Le froid glacial avait cédé la place à des températures plus clémentes. Stains vaquait à ses occupations. Les arbres faisaient ce qu’ils pouvaient pour embellir cette ville. Au bout d’un chemin crasseux on trouvait de petites cahutes avec des cheminées en forme de tuyau de poêle. Entassés les uns sur les autres, un foule humaine vivait dans des conditions qu’on n’aurait pas acceptées pour des animaux de compagnie. Au milieu des rats, de la puanteur et des ordures, des êtres humains survivaient. C’est la seule chose qui elle n’avait pas changée depuis les années 50 : la présence des bidonvilles.

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