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Le voyageur internautique
6 mars 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 40

maurepas4 n°40

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 40

Maurepas rattrapa Pipo qui avançait en direction des docks. Le dos voûté, les mains dans les poches, il ne donnait pas l'impression d'aller quelque part. Arrivé à sa hauteur, Maurepas lui tapota l'épaule. Pipo se tourna d'un coup, l'œil vif, mais très vite, il fut désappointé de ne pas trouver celui qu'il espérait. Il était prêt de reprendre sa route vers nulle part.

- « Vous êtes monsieur Pipo ? » S’écria Maurepas pour attirer l’attention de celui qui s’apprêtait à reprendre son chemin fait d’errance.

L'homme prit le temps de dévisager ce drôle de petit gars qui lui donnait du monsieur comme s'il était le président.

- Peut-être bien, que j’suis celui-là, répondit Pipo intrigué.

- Vous êtes le cousin de  Muguet des Souches !

- Tu es de Saint-Cernin ?

Maurepas opina du chef.  Pipo lui prit le bras, se colla à lui. Cette proximité soudaine incommoda Maurepas. Pipo sentait la transpiration et la crasse.  Il portait une barbe de quelques jours.  Sa veste, élimée à chaque coude, couvrait à peine un pantalon de toile épaisse, lequel n'avait plus vraiment de couleur. Des auréoles de graisse pour la mécanique s'étiraient sur le haut des cuisses. Il portait un bonnet fait de grosse laine grise avec deux minces filets rouge.  Les chaussures lacées avec de la ficelle accompagnaient chaque pas d'un bruit insolite.  Pipo réalisa qu'il tenait là l'occasion de boire un coup à l'œil.  Il orienta Maurepas vers le bistrot du port.

- Viens, on va parler du pays et de mon couillon de cousin. Tu as bien de quoi offrir un petit canon à un ami de la famille. 

- Je ne suis pas de la famille de  Muguet des Souches.  

- C'est pas grave, les amis de la famille, c'est de la famille. Allez, raconte un peu comment ça va là-haut. 

Trop content de changer de sujet, Pipo était prêt à parler de n'importe quoi pour peu que ça mène au bar. 

- Il va bien le cousin, toujours à la tâche avec le berger.  C'est quoi déjà son nom au chevrier, attends, ça va me revenir. Levrette, un truc approchant. 

- Lebret, rectifia Maurepas.

- Lebret c'est ça, se reprit Pipo, hilare. Toujours à courir les pâtures, je suppose. 

- Pas vraiment, il est mort y a bien une dizaine d'années. De toute façon, votre cousin ne s'est jamais occupé d'accompagner les bêtes. 

Pipo n'écoutait pas la réponse, il cherchait du regard Batista, le patron du bistrot. Il installa son compagnon de boisson providentiel sur une chaise paillée.  Puis il fila à l'intérieur pour trouver soit le patron soit le petit gars qui remplaçait quand Batista devait s'absenter. Il aurait préféré tomber sur le remplaçant.  

- Barre-toi avant que je te casse la tête. Sauf si tu as l'argent que tu me dois. S’écria Batista, un torchon à la main, un verre dans l’autre. Il était derrière son comptoir, et Pipo était bien heureux qu’il y ait cette barrière entre eux deux.

- Je suis invité par un ami de la famille. 

- Tu as de la famille, c'est nouveau. C'est parce qu'ils ont perdu leur carabine que t'es encore vivant.

- Sois sympa quoi, c'est lui qui régale. 

- J'arrive dans deux minutes. Dis donc tu devais pas aider au pont.

- Ils ont pas voulu de moi. 

- Tu penses, dit Batista en rigolant. Hé les gars, ils ont pas voulu de Pipo au chantier du pont. 

Trois gus attablés au comptoir éclatèrent de rire, ainsi qu'un autre type assis tout seul à une table.  Il posa son journal le temps de finir son café.  « Hé Pipo, c'est pas pour y dormir sous le pont, c'est pour le construire ! » Dit-il en reprenant son journal. 

Pipo quitta la salle avec un rire forcé pour ne pas trop déplaire à Maurepas qui s'était levé. Il le fit rasseoir à l'une des tables proche de l'entrée tout en lui demandant ce qui l'amenait. Maurepas obtempéra à contrecœur. Il n'avait pas dans l'idée de dépenser son peu d'argent dans un bistrot, mais Pipo ne lui laissa pas le temps de méditer. 

- Deux amer africain, double. 

- T'es le gars d'hier. Finalement, tu l'as trouvé ton cousin. 

- C'est pas mon cousin. 

- C'est possible, du moment que c'est toi qui payes, ça pourrait être ta tante que je m'en fiche.  2 et 2 qui font 4 francs. 

Batista, son plateau sous le bras se planta devant la table, attendant son dû.  Il n'était pas bien grand, mais avait cette façon de se camper, il en imposait. Maurepas, assis sur sa chaise, écrasé par la présence de ce personnage haut en couleur, n'osa pas dire quoi que ce soit. Il sortit une petite bourse en peau. Il défit le lacet en cuir, extirpa un billet de 5 francs qu'il tendit au patron du café. Pendant ce temps, Pipo avait trouvé un prétexte pour s’éclipser discrètement : retrouver celui qui avait partagé sa couverture de la nuit. Lorsqu'il aperçut Batista qui revenait avec les boissons, promptement, il fut de retour. 

- Parfait, à la tienne petit. 

Le patron repartit aussi vite qu'il était venu et ne revint pas. Au final, le pauvre Maurepas fut refait de 1 franc.  Il trinqua mollement avec Pipo à la disparition de ses 5 francs en se disant qu'à ce rythme-là, il n'allait pas pouvoir tenir très longtemps. 

- Alors, explique à Pipo. 

Maurepas lança un regard étonné surpris par cette entrée en matière. Pipo visa son verre d'un trait. Puis observa le verre de son vis-à-vis se disant que c'était un peu tôt pour tenter sa chance histoire de remettre ça. Maurepas se décida à parler.

- Votre cousin…

- Le berger ?

Maurepas s'apprêta à expliquer une nouvelle fois que ce n'était pas un berger, mais opta pour la simplicité. 

- Oui, si on peut dire. Il m'a dit que vous vous occupiez de trouver des gars pour embarquer sur les cargos. 

- On veut voir du pays, mon gars, c’est bien, tu as trouvé ton homme. Ah les îles, les négresses avec des tétons gros comme des pastèques, qui demandent que ça. Noir comme du charbon. Le rhum qui coule à flot. Tiens en parlant de rhum, tu voudrais pas qu'on s'en jette un petit. 

- Non ! Une autre fois.

Maurepas qui tenait à ménager ce picolo, le laissa espérer un futur plus propice.  Devant la dénégation, Pipo, avec quelques regrets n'insista pas, et prit son mal en patience en rêvassant à son futur coup à boire.  Et Maurepas continuait de croire en sa bonne étoile, assis au café du port, ayant dépensé le quart de son argent, avec, face à lui, le quai, un vieux chalut éventré, quelques barcasses de pêcheur et un pauvre type qui partageait sa couche avec un autre paumé du même acabit (épisode 41). 

          Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode mardi 10 mars 2015

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