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Le voyageur internautique
28 avril 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 55

maurepas4 n°55

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 55

La soirée avait été  agréable. Un peu de fraîcheur glissait du ciel avec le soleil couchant qui venait de tomber derrière l'horizon.  Le sable avait absorbé la chaleur de la journée, il la restituait à travers la toile épaisse de la chemise. Un sommeil profond avait anesthésié la mémoire de Maurepas pour apaiser sa conscience.  En paysan soucieux d'organiser sa journée en moments cruciaux qu'il fallait absolument respecter au risque de manquer les heures de distribution en eau, Maurepas avait une capacité à gérer son réveil avec précision. Un moment, une ombre, le glissement de l'onde sur le bleu de la mer avait suffi à le sortir de son rêve.  Roulé tout contre la coque, à l'abri du soleil, il s'était endormi. Il se leva, s'étira, eut un bâillement long et profond. Il se recula, estima la distance qu'il y avait entre la barque et la rive. La chance n'était pas de son côté, pour une fois l'embarcation avait été mise à sec, heureusement, pour la plus grande partie dans la pente de galets. Elle pesait son poids, mais Maurepas était robuste, aidé de ses presque cent kilos, il s'arc-bouta contre l'étrave, se campa fermement sur ses jambes, cala ses pieds dans les galets et d'un grand han, il délogea le bateau de son trou. D’un mouvement lent mais régulier, la coque commença de glisser sur les galets créant un brouhaha continuel fait de crissements et d’entrechocs. Maurepas ne relâcha pas son effort, donnant une vitesse constante afin que la barque ne se fige pas à nouveau dans un écroulement de galets. Elle pénétra dans l'eau sans un remous, fendant les flots de sa haute étrave. Petit à petit, le roulis de pierres s'atténua. Dans l'élan, de trois pas dans l'eau, Maurepas sauta dans l'embarcation. Il saisit l'unique rame pour la loger dans l'emplacement situé sur l'arrière.  Par des séries de mouvements en forme de huit aplatis, Maurepas donna une allure constante à l'embarcation. La godille avait l'avantage d'être discrète, ne produisant qu'un murmure délicat que l'on pouvait encore atténuer en réduisant la vitesse.  La lune était absente et les reflets noirs de l'eau imposaient un silence angoissant que la profondeur accentuait encore. La rive s'éloignait, on ne distinguait plus guère la côte que par la hauteur obscure des calanques qui venaient se dresser aux pieds de la mer.  On percevait encore le ressac qu'amplifiaient les moindres interstices que les rochers, massifs à cet endroit, construisaient dans leurs enchevêtrements. 

Lorsque Maurepas eut dépassé l'avancée que formait la côte, il aperçut les lueurs doublées par le reflet sur la surface liquide, issues du Trois-mâts.  Maurepas se demanda pour quelle raison on ne disait jamais le nom de ce navire pourtant si majestueux. Le bateau avait quitté la rade pour s’en aller mouiller au large, à quelques encablures.  

Maurepas était encore à bonne distance, lorsqu’il releva la rame.  Il voulait entendre. Savoir ce qui se passait à bord.  À cette heure avancée de la nuit, l'équipage devait dormir, seul un ou deux marins de quart seraient sur le pont, les autres, en fond de cale, roupillant, entassés dans des hamacs, bercés par le mouvement de la houle. Le capitaine et les officiers,  eux seraient installés dans leurs appartements. C'était l'idée que se faisait Maurepas, ne connaissant rien à l'organisation d'un tel navire. Seule son imagination lui servait à visualiser la vie à bord. Une imagination qui avait travaillé quand il s’asseyait dans la campagne, après un dur labeur, tout au bout des cultures en terrasse, à l’abris des oliviers, sous le chant assourdissant des cigales, le derrière bien calé sur la grosse pierre en creux. Ou encore, sur le banc de granite, au bout de la grève qui courrait quand le village des pécheurs prenait fin.

Aucun bruit ne parvenait à troubler la quiétude lascive et liquide de ce miroir aux proportions gigantesques délivrant une image brisée par les ondulations. La barque continuait de pourfendre les flots sur sa lancée. On percevait à peine le clapotis produit par le tranchant de son étrave.  Maurepas replaça la godille dans l'engougure et reprit le mouvement de propulsion. Placé de dos par rapport à son but, il devait prendre un repère côtier pour assurer sa direction. L'allure était régulière et assez rapide, une bonne distance restait à parcourir. Un bruit inattendu en cette solitude fit irruption. Tout à coup si prêt et si présent que Maurepas lâcha son aviron et, dans le déplacement précipité fit tanguer l'embarcation, ce qui le déséquilibra. Il fut impossible de se rétablir suffisamment rapidement pour éviter le coup brutal porté sur l'arrière du crâne (épisode 56). 

           Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode vendredi 1er mai 2015 (jour de la fête du travail !)

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