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Le voyageur internautique
1 mai 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 56

maurepas4 n°56

Les tribulations de Maurepas
Troisième partie
Le vent du large.

Épisode 56

Le cri continuait, strident, presque humain, une complainte puis à d’autres périodes un appel d’outre-tombe, encore un peu plus tard une voix joyeuse d’enfant qui vous veut pour partager un jeu. La mélodie avec des variations considérables s’étendant sur un spectre important. Les dauphins disparaissaient pour revenir tout à coup, se faufilant tout autour de la barque dans une chorégraphie aquatique. Ils jouaient avec la présence de la quille comme s’il se fut agi de l’un des leurs. Incapable de se situer dans le temps, Maurepas ne sut évaluer la période d’inconscience qui s’était écoulée. Plusieurs heures, une minute, quelques secondes ? Le seul élément tangible, c’était l’embarcation. Elle avait légèrement dérivé parallèlement à la côte, suivant le courant impulsé par l’écoulement de la rivière quelques kilomètres en amont. Lorsque Maurepas comprit que ce qui s’était passé, était la conséquence de la présence des cétacés, il éclata de rire, un rire nerveux, incontrôlé. Il avait vraiment été effrayé par cette présence inattendue, rompant tout à coup le silence de la mer, pour cette fois assoupie. Il fit barboter sa main, dans le creux il remonta un peu d’eau qu’il déversa sur l’arrière de sa tête endolorie par le choc. À cet instant, il réalisa que la pagaie flottait un peu plus loin. En se penchant sur l’avant du bateau, il battit des mains, sans grand succès. L’embarcation ne bougeait pas, piégée par la densité liquide qui la maintenait immobile. Un des dauphins se saisit de son avant-bras, en le tirant d’un coup brusque. Maurepas bascula par-dessus la rambarde. Ne sachant pas nager, il se débattit, avalant de l’eau salée en grandes rasades. Gêné dans ses mouvements par les habits, très vite, il s’épuisa, et se laissa couler à pic. Les bulles fusaient vers la surface, il regardait le mouvement étrange de l’eau vue par en dessous. Il s’amusa de découvrir l’ombre de la coque, immobile, et plus loin celle de la rame. Ses poumons ne contenaient plus une once d’air, il n’avait pas peur, sereinement, il faisait face à son destin. Ce fut à ce moment, à la fois si près de la mort et pourtant, venant flirter avec la lisière du néant, qu’il commença par se défaire de ses chaussures. Plus à l’aise, sous le regard goguenard des cétacés qui semblaient s’intéresser à cet être bien maladroit, il trouva les mouvements justes. Entre deux eaux, il s’amusa à profiter de cette découverte agréable. Puis, il remonta tranquillement vers la surface, obliquement pour arriver sous la rame. Il trouvait agréable cette sensation d’apesanteur, de liberté, de légèreté. Sa tête émergea, il emplit ses poumons en manque cruel d’oxygène. Cet apport brutal, lui fit tourner la tête, il était euphorique. Agrippé à la rame, il regagna le bateau qui s’était un peu éloigné à cause du mouvement imprimé par la chute de son corps en avant. S’aidant des pieds plus que des bras, il accosta l’embarcation pour y faire basculer la godille. Il dut s’y reprendre à plusieurs reprises, elle était épaisse et lourde, elle retomba une fois sur lui, meurtrissant son épaule. Avec beaucoup de difficulté, il réussit à faire tanguer la barque, d’un coup il se hissa jusqu’au rebord, resta immobile le temps de récupérer ses forces et dans un ultime mouvement de rein, il put jeter sa jambe droite par-dessus le rebord. Puis il se laissa rouler au fond de l’embarcation. Il était heureux d’être encore en vie. Le firmament s’étalait devant ses yeux, la lune y avait pris place, un quartier montant.

Après s’être reposé un moment, il remit la godille dans l’encoche, sur l’arrière. Il imprima un mouvement de rotation pour remettre la barque dans l’axe du Trois-mâts. Les dauphins vinrent faire un dernier passage. Maurepas se sentait proche d’eux, de leur élément. Il lui fallut un effort considérable pour ne pas se jeter à l’eau, et nager, nager jusqu’au bout de ses forces en direction du large, là ou le ciel se confond avec la mer, là où les limites entre la surface et l’immensité se mêlent en une forme indécise, dissolvant toute idée d’existence dans une dilution apaisante. Plongeant ses mains sous la surface, il appela ces princes de la mer, mais ils s’éloignaient déjà dans la direction opposée. Préférant oublier cet être mi-homme mi-poisson, mais qui n’était ni l’un ni l’autre (épisode 57).

           Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode mardi 5 mai 2015

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