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Le voyageur internautique
9 juin 2015

19 heures c'est à nouveau l'heure du feuilleton ! épisode 67

maurepas5 n°67

Les tribulations de Maurepas
Quatrième partie
Vent de terre

Épisode 67 

Le petit muret courrait sur une bonne distance, fait des pierres qui remontaient au moment des labours, il supportait le canal. En cet endroit, le conduit émergeait du sol petit à petit. Plus loin dans un enfoncement profond de la paroi, une terre clôturée enfoui sous la végétation luxuriante abritait une maison bourgeoise habitée une partie de l'année, puis délaissée. Un régisseur en avait la charge, il venait au début de l’automne, partait à l’arrivée de l’hiver, puis revenait au printemps et s’en allait aux fêtes de la Saint-Jean. En des temps anciens, on trouvait là une riche famille, de nombreuses bêtes et des chevaux magnifiques. Une quinzaine de personnes assuraient l’intendance autour des maîtres, une veille aristocratie du Comté de Savoie, descendant des Carignant. Les deux hommes avancèrent sur le chemin qui surplombait, en cette partie seulement, la route qui menait aux Écarts. En suivant le canal, ils trouvèrent la sente qui grimpait en direction de la prairie de Maurice. Maurepas gardait en mémoire les derniers coups de feu qui avait failli lui coûté la vie, juste pour avoir mis les pieds sur ce morceau de terre. Il voulait en avoir le cœur net, le bruit entendu au-delà de la futaie n’était pas commun. Aussi, il appela Petit Pierre.

- Tu contournes la sente par le couvert, tu grimpes par la forêt, de là, tu seras en bonne position pour voir si Maurice arrive et surtout s’il est armé. Trois fois tu fais le signal et tu décampes. On se retrouve au mas. Compris.

Petit Pierre acquiesça puis disparut en s’enfonçant dans le maquis. Le craquement des pas s’estompa au fur et à mesure de la progression de Petit Pierre et Maurepas pu à nouveau se concentrer pour localiser le raffut. Il n’y tint pu, sans attendre que Petit Pierre soit en position de faire le guet, il reprit son avancée. Une fois sur le haut du chemin, là où le canal disparaissait à nouveau sous la terre, il se glissa sous la clôture. Le bosquet touffu de la végétation barrait encore la vue. Il ne voulait pas être à découvert trop tôt, aussi, il préféra rentrer dans le petit-bois pour couper en dedans. Les ronces s’agrippaient à son pantalon, et les branchages gênaient sa progression. Il dut se baisser pour, d’un grand coup d’épaule, passer au travers des bouquets d’arbousiers qui recouvraient le terrain accidenté.

Ils étaient là, deux, tout près, le troisième, un peu plus loin.

Magnifiquement racés, d’une belle hauteur, l’œil brillant, la tête dressée, ils savaient la présence de l’homme, et pourtant, ne bougeaient pas. S’approchaient même un peu. Ils semblaient attendre ici depuis longtemps qu’on vienne les chercher. Leurs naseaux soufflaient bruyamment, suivi d’un hennissement. La crinière tombait harmonieusement sur l’encolure. Qu’ils étaient beaux et forts, puissants. Pas de cette puissance qu’on trouve chez l’animal de trait, non une puissance qui en faisait de bons coursiers, endurants et infatigables. Le poitrail était haut. Jamais il n’avait imaginé trouver de telles bêtes entre ici et Gardérance. Trois alezans dont les paysans n’avaient que faire, encore moins le Maurice. Maurepas se demandait où ce dernier avait bien pu faucher de tels chevaux. Ce fils de vagabond, moitié voleur, moitié coureur des bois avait fini par s’installer dans une bicoque retapée où il entassait tout un fatras de saloperies qui périclitaient au grès des intempéries. Il n’avait pas le sou. Il braconnait, rendait quelques services pour des habitants pas trop regardant sur la façon. Il était dangereux et tous craignaient ses coups de folie. Maurepas était bien placé pour le savoir. Il avait la gâchette facile, très susceptible quant à la propriété. Il n’hésitait pas régler ses comptes à l’aide des cartouches qu’il fabriquait lui-même. On disait qu’il les remplissait avec l’âme du diable et qu’elles faisaient exploser le ventre comme un pétard dans le cul d’un poulet.

Maurepas appela Petit Pierre tout en quittant la pâture. Il attendit, assis sur le rebord du canal tout contre les renforts du tunnel qui plongeait dans la corniche pour ressortir sur l’autre versant, là où jaillissait la source. L’eau apportait une fraîcheur qui sortait par l’ouverture du tunnel. Maurepas n’était plus aussi pressé, il venait de trouver ce qu’il n’aurait même pas imaginé dans ses rêves les plus fous. La possibilité de se venger du Maurice, et pouvoir rapidement retrouver son frère avant qu’il ne parte pour la guerre.

Maurepas s’était presque assoupi, le bruit des buissons et le craquement des feuillages le firent sursauter. Il se jeta sur ses pieds, bien campé près à faire face. Écartant la branche qui lui faisait barrage, Petit Pierre pointa le bout du nez, stoppa net en découvrant Maurepas, les deux poings en avant.

- Tu m’as fait peur, l’espace d’un temps, j’ai bien cru que c’était l’autre fada qui s’amenait.

Petit Pierre sourit, puis s’avança pour aller s’installer sur la margelle du canal. Maurepas l’y rejoignit, mais préféra rester debout. Il prit encore le temps de bien réfléchir sur la façon. Il fallait bien calculer et ne rien oublier.

- On passe au mas, tout de suite. Et on revient prendre les chevaux à ce voleur !

- Il va vouloir nous retrouver.

- Avant qu’il ait compris son malheur, nous serons déjà loin. Tu n’as pas de selle ?

- Je n’en ai pas besoin.

Maurepas dévisagea Petit Pierre cherchant une quelconque ironie. Il resta impassible. Ce fut même lui qui prit l’initiative. Il se dressa d’un coup et d’une bonne allure suivit le chemin qui bifurquait d’un coup pour s’engager dans les taillis et la forêt des chênes liège. Le creusement lui donnait une forme incurvée qui le plaçait plus bas que les arbres. La chaleur stagnante, accompagnée par les mouches et les moustiques rendait ce passage des plus désagréable. Après un faux plat, la route se redressait d’un coup pour suivre la déclinaison avant de déboucher sur le plateau des Bayaux. Là, se trouvait ce qui pouvait ressembler à des mas, trois habitables et deux ruines, à bonnes distance les uns des autres, comme si les habitants avaient toujours voulu ne pas se voir. Il y avait aussi une ancienne bergerie dans laquelle vivotait Petit Pierre.

- Moi, j’ai l’équipement du vieux, il n’est pas en très bon état, mais il fera l’affaire.

- On prendra chacun une monture ?

- Les trois mon ami, sinon ce pourri de Maurice pourrait bien nous ajuster une nouvelle fois au bout de son fusil.

Ce que ne pouvait savoir Maurepas, c’était que Maurice n’avait même pas idée que trois chevaux puissent se trouver sur sa pâture. En aurait-il eu vent, qu’il les aurait chassés à coups de fouet. Il n’aimait pas plus les chevaux que les hommes et peut-être encore moins que les femmes dont il se méfiait par-dessus tout (épisode 68).

Feuilleton publié tous les vendredis et les mardis à 19 heures

prochain épisode vendredi 12 Juin 2015

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