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Le voyageur internautique
20 mai 2020

Chronique d’un enfermement : jour 66

Chronique d’un enfermement

Pendant que j’écris une fiction, il y a un autre moi-même qui me fout des coups de pieds au cul ! Et bien ce n’est pas facile facile d’écrire dans ces conditions, je vous le dis !

accès début (jour3)

enfermement coul

Je sais que tout est redevenu comme avant !

J’ai mal aux genoux, je suis sonné et contusionné au niveau des bras, mais heureux. Je me relève tant bien que mal. La poussière du sol s’est agglutinée sur mes vêtements. Devant moi un homme. Un instant, mais un instant seulement, je crois qu’il s’agit de Simon. Ce n’est pas lui, mais un brave type qui a été témoin de ma chute spectaculaire. Il se dirige vers moi.

- Tout va bien, mon gars ?

Je le rassure tout en cherchant mon vélo qui a disparu.

- Vot' biclou a volé en bas, l'a bien valdingué !

L’homme s’approche. « Tenez, votre casque aussi en a pris un coup ! » Je réalise qu’en effet ce dernier n’est plus sur ma tête. J’observe les environs, je suis sur la rive gauche et la maison de Nour, de l’ancienne Nour, celle de l’autre monde, est en face. J’empruntais donc le chemin qui mène à la maison avant de faire une chute. Rien d’inhabituel, en vélo les chutes sont fréquentes.

- Je suis resté longtemps sur le sol ?

- Z'êtes resté dans l'coltar un rien, mais, j'voudrais ben appeler la samu. On sait jamais, j’ai vu, un fois à la télé, un gars dans vot’ genre qui y a laisser une partie du citron…

- N’en faites rien, il n’y a pas de gravité, que du superficiel, c’est le vernis comme on dit. Lorsque je tombe, je reste un moment sans bouger histoire de rassembler mes esprits !

- Faut quand même voir un toubib !

Je rassure le bonhomme en lui disant que je le ferai sans faute dès que j’aurais mon laissez-passer. Le type me dévisage comme si j’avais dit une énormité.

- Pour les miliciens ! je crois bon de préciser.

- Pas d’blague, mon gars, vous voulez pas que j’appelle la SAMU quand même ?

Je comprends mon erreur, je continue à fonctionner comme dans l’ancien monde que je viens de quitter. Il n’y a donc plus ni milicien, ni laissez-passer. J’en viens à la conclusion que je suis revenu au premier jour, celui où j’ai vu mon spectre continuer sa route sur son vélo pendant que moi, je passais dans un univers parallèle. Ne voulant pas affoler mon interlocuteur, je garde ces précieuses informations pour moi. Je le remercie chaleureusement en prenant ses mains dans les miennes puis je me glisse dans les fourrés qui bordent la Seine. Mon engin n’est pas loin, mais la pente est raide. A plusieurs reprises, je glisse et risque de finir dans l’eau. Mon vélo est lourd et le tirer le long du remblai n’est pas simple.

Après une lutte acharnée, je parviens enfin à l’extraire des taillis. Le guidon est tordu, je dois le redresser, mais à part ça, rien de terrible. Une poignée de frein esquintée et le porte-bagages avant n’est plus dans l’axe. Je replace la chaîne qui a déraillé et me voilà en route pour la maison. A chaque coin de rue, je crains de croiser un milicien, mais il n’en est rien.

Le gardien est sur le parvis, il vide son seau d’eau sale tout en fumant sa cigarette qu’il garde au coin de la bouche. C’est à croire qu’elle est rivée là.

- Qu’est-ce qui vous est arrivé ? dit-il.

A la tête qu’il fait, je comprends que mon état est plus alarmant que ce que je pensais. Sans réfléchir, je m’éloigne de lui.

- Vous avez peur que je vous refile la gale !

Je ne relève pas, je le salue et range mon vélo dans le local. Il est derrière moi et me tient la porte. Il n’a aucune conscience du risque qu’il court et qu’il me fait courir à cause de la pandémie.

- Comment vont Héloïse et ses deux enfants ? je lui demande, histoire de meubler un peu.

- La demoiselle du troisième, en face ? Elle est partie depuis deux mois ! Il est bien temps de vous intéresser à elle.

Je préfère ne pas insister et change de sujet.

- Et mon voisin du dessus, toujours à l’asile de fous ?

- Il va être content de l’apprendre quand il va vous croiser dans l’ascenseur ! Vous êtes certain que ça va bien ? Asseyez-vous un moment !

Je refuse poliment. Le monde a été bouleversé bien plus que je ne le pensais. Je me précipite chez moi. Je cogne à la porte avec force, une soudaine inquiétude s’empare de moi. La porte s’ouvre.

- Tu t’es mis dans un bel état !

Ma femme est un homme ! Il me faut un peu de temps pour encaisser la nouvelle réalité.

- Tu me remets ? continue l’homme.

- Mais oui chéri, c’est Jacques, mon cousin, tu l’as vu au mariage.

Ma femme est apparue derrière lui, elle a les mains pleines de pâte à pain.

- Ce que j’ai eu peur, un instant, j’ai cru que…

- Oui, qu’est-ce que tu as cru mon amour ? Explique-toi un peu et explique-moi aussi, par la même occasion, pourquoi tu es dans cet état et surtout pourquoi tu arrives à cette heure ? Et ne me raconte pas que tu reviens du travail, parce que j’ai appelé le secrétariat et on m’a expliqué que tu n’étais pas allé travailler !

Je ne sais que répondre, je suis sur le palier, une partie de ma vie m’a échappé. Qu’ai-je donc bien pu faire pendant tout ce temps ? Ce temps où un autre moi existait à ma place !

Jour 67 et fin

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