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Le voyageur internautique
12 janvier 2018

L’homme qui courait

Soyons lucide,

Muriel, dit que ce récit n'est pas très intéressant,

ça doit donc être vrai, mais bon, je l'ai écrit, je le mets quand même...

... tant pis pour vous !

 

homme_court

L’homme qui courait

   Il avait couru sur une centaine de mètres, guère plus. Puis l’impact l’avait fait vaciller. Une pause, il s’était juste octroyé une pause. Le souffle lui manquait. Les deux mains sur les cuisses, le corps en avant, il récupérait. Une inspiration, puis deux, puis… l’impact. Le choc du corps dans le sable épais avait émis un bruit sec et mat. Un ploc… ridicule. La douleur était arrivée après, une sorte de crampe qui vrillait l’estomac. Le bas-ventre était touché. Il prit appui sur les avant-bras pour soulever le haut du buste. Mais une fois sur les genoux, il était retombé, la gueule dans le sable. La transpiration épaisse, et la chaleur aussi, avaient collé des grains de silice partout sur sa peau. Les rayons solaires lui brûlaient le haut du crâne. Idiot, il avait été idiot de vouloir couper par Central Avenue. Dans les sous-sols, il aurait eu sa chance. Mais, à découvert, quelle idée ! Son esprit imaginait, il se prit à tenter de visualiser les différents couloirs qui auraient été l’autre option. En face, la porte verrouillée, de l’autre côté, le cadenas avait été cisaillé. Très vite à droite, puis deux fois à gauche et la sortie sur l’arrière du bâtiment. Là, il aurait pu avoir sa chance. Une petite chance, du dix contre un, guère plus. Mais par le parc ! Pourquoi ne pas avoir opté pour les sous-sols, il se le demandait encore lorsque le canon tout chaud se posa sur la nuque. La sienne. Un instant, il s’était dissocié de son corps. D’ailleurs, il aurait bien été incapable d’expliquer comment il avait réussi ce tour de passe-passe qui consistait à se replacer sur les genoux. Une dernière prière, la tête levée vers le ciel, le soleil aveuglant son regard de chaque côté du lampadaire. Allumé, éteint, allumé, impossible d’en être certain, à cause de la lumière solaire qui lui cramait la rétine. Il aurait aimé le savoir. Apprendre une dernière chose de tangible, tenir au moins une info pour sûre. Mourir avec une certitude aurait été rassurant. Mais, là, le cul-de-sac, aucune chance, il était au bout du bout. Pas de sauveur à l’horizon qui pointe le bout du nez, ni le héros sorti de nulle part pour lui dire, « Allez, debout mon gars, c’est fini. » Aucune échappatoire. Acculé à l’inexorable. Avant d’en finir, il se rappela que ses tripes continuaient à le faire atrocement souffrir. Il aurait bien aimé avoir le temps de porter la main à son ventre, juste au-dessus de son ceinturon en cuir, pour soulager un peu la douleur. Un mot fut prononcé, qu’il ne comprit pas. Ou alors un bruit. Il n’avait pas remarqué l’ombre du type qui se tenait debout dans son dos. Une découpe, courte, bien dessinée sur le sol d’un jaune crasseux. Dans la forme qui courait sur le sol, tout d’abord, il vit l’ombre du bras, puis au bout de l’ombre du bras, l’ombre du Beretta, 964 grammes, 19 millimètres Parabellum, semi-automatique. Il put tout juste deviner l’arrière de son crâne, de son propre crâne. Mais était-ce bien l’arrière ? Cette question resta sans réponse. Peut-être l’odeur fut première. Ou bien la détonation. Du moins le tout début. Plus une sorte de vibration qui résonna dans la boîte crânienne à cause du rond du canon appuyé tout contre la nuque. 964 grammes et 19 millimètres résumaient ainsi toute sa vie. Et cent mètres de course débridée, pour finir à bout de souffle.

 


 

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