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Le voyageur internautique
18 avril 2020

Chronique d’un enfermement : jour 38

Chronique d’un enfermement

Quand on détourne la fiction de son but, on n’obtient que du vraisemblable !

accès début (jour3)

enfermement coul

J’étais enfin rentré chez moi, avec le soleil, je frappais à la porte. Ma femme m’accueillit avec une bonne engueulade.

- Je t’avais bien dit de ne pas y aller ! Regarde dans quel état tu es, tu vas attraper la mort…

A chaque fois que j’ouvrais la bouche pour m’expliquer, je la refermais aussitôt, coupé dans mon élan par une nouvelle invective. Je savais comment cela allait finir et je ne fus pas détrompé dans mes prévisions. Ma femme finit par s’essouffler, hoqueta puis s’affala en larmes dans le canapé. Je n’ai jamais compris comment ce maudit canapé arrivait toujours au bon moment pour accueillir ma femme dans ses bras. Contrairement à moi. Je m’assis donc à ses côtés, silencieux, attendant qu’elle se calme, puis je l’embrassais tendrement en lui expliquant que ça allait aller. Un comble, puisque celui qui n’allait pas, justement, c’était moi.

Après ces évènements, la matinée se déroula paisiblement. Je pus enfin raconter mon histoire, une première fois à ma femme, une deuxième à la voisine en présence de ses deux enfants qui ne voulaient pas rentrer, parce que les histoires de grands, c’est aussi pour eux puisque le plus petit venait de fêter son anniversaire et que maintenant, il était grand. Par voix de conséquence, le grand aussi. Pour finir, je la racontais une troisième fois au gardien qui apporta la caution nécessaire grâce au cousin de la sœur de son épouse.

Avec tout ce temps à devenir célèbre, dans l’immeuble, du moins, l’heure du repas arriva. Comme on pouvait ressortir, hors couvre-feu, ma femme avait pu faire les courses. C’était sauté de bœuf aux carottes. L’heure des informations nationales arriva, je mis la télé en marche. Ça tombait bien, il s’agissait des « évènements de la nuit ». La speakerine commença par évoquer une conspiration étrangère pour renverser l’Etat, que des milices armées avait ouvert le feu sur les forces de l’ordre. Les milices armées. Au début, je ne comprenais pas. L’espace d’un instant, je pensais qu’il s’agissait des crétins de miliciens qui patrouillaient devant chez nous. Pas le moins du monde, ils avaient retourné les appellations comme des ballons de baudruche. Les milices armées, c’était nous ! Puis la speakerine expliqua à l’aide d’un plan détaillé d’où étaient partis les premiers coups de feu. De Stalingrad. J’y étais. Je me suis relevé d’un coup en hurlant, « Ce sont des menteurs, ils mentent ! » Je gesticulais en tous sens, prenant l’auditoire à témoin. Auditoire réduit à une personne, ma femme qui m’expliquait posément qu’il fallait que je me calme, que le repas allait être froid et qu’elle ne s’était pas escrimée toute la matinée dans la cuisine pour que je boude mon sauté de bœuf. « S’il faut faire sauter quelque chose, c’est ce ministère du confinement, en deux mots ! ». La speakerine, qui ignorait de manière ostentatoire mes critiques, poursuivait sur le déroulement de la nuit d’émeutes. Elle arrivait au moment où le canon à eau, chargé de repousser calmement les émeutiers avait été renversé par des hordes de Roms.

- Mais c’est un tissu de mensonges ! hurlais-je en menaçant la journaliste avec ma fourchette. Canon à eau mes fesses, ils en parlent comme s’il s’agissait d’une douche de salle de bain.

Pour prouver mes dires, je baissais mon pantalon et les fesses à l’air, je désignais toutes les parties bleuies de mon anatomie.

- Oh… Ah… Boum ! fit la bonne.

C’est à ce moment précis qu’elle fit son entrée fracassante dans la maison. On l’avait oubliée celle-là. Avec la fin du confinement, elle revenait à l’heure où nous étions censés avoir déserté l’appartement. Comme elle avait ses clefs, elle était entrée directement. La pauvre, en découvrant mes fesses, elle était tombée à la renverse sur les siennes pendant que la télé d’Etat, concluait sur la victoire des forces de sécurité et sur leur intervention salutaire pour le bien de tous. Sauf celui des bonshommes ramassés dans les rues et celui de notre pauvre bonne, rouge comme une pivoine et qu’il fallait ventiler pour qu’elle recouvre ses esprits. Décidément, l’immigration en prenait un sérieux coup !

Jour 39

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