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Le voyageur internautique
22 avril 2020

Chronique d’un enfermement : jour 42

Chronique d’un enfermement

La fiction à réaction n’est qu’un avion sans aile…

accès début (jour3)

enfermement coul

La destruction de la maison de Nour nous avait rendus moroses. Surtout les enfants d’Héloïse. Ils marchaient en traînant les pieds histoire de faire de la poussière. C’était là, une façon personnelle d’exprimer leur mécontentement. Heureusement, cette tristesse fut évacuée rapidement. Je leur expliquais que la maison de Nour, comme toutes les maisons, quand elles n’étaient plus habitées depuis un certain temps, on les rasait. Ce n’était qu’un petit mensonge, même si dans les Hauts de Seine, rares sont les maisons rasées au bout d’une semaine sans locataires ou proprios ! Puis il y eut les trottinettes qui occupèrent les esprits et les muscles. Elles aidèrent bien à plus calmer les douleurs morales que mes explications minables.

Nous avions quitté les bords de Seine pour remonter le long de la première écluse du canal. Je désignais l’emplacement des Roms. Les enfants criaient des « Hip hip hourra pour les Romanichels ! » sous les yeux consternés d’un couple bon chic bon genre. Malheureusement, les Roms n’étaient pas sur leur terrain habituel qui jouxtait l’écluse.

- C’est eux qui ont renversé les camions à eau !

Grégoire n’arrivait pas à dire canon à eau, pour lui, canon et eau ne pouvaient aller ensemble, il y avait comme une sorte contradiction insurmontable. L’eau, c’est la vie, les canons, eux, apportaient la mort. Je confirmais d’un signe de tête tout en essayant de deviner si les Roms n’étaient pas installés derrière le long hangar. Puis je désignais un énorme tas de cendres encombré de bouts de ferraille noircis pour expliquer aux enfants comment ils recyclaient le cuivre usagé. J’omettais de préciser que certaines fois, le cuivre était tout neuf, chipé on ne sait où. Faut dire qu’au prix du kilo recyclé, un petit coup de pouce de temps à autre est le bienvenu.

Nous poursuivions notre promenade sur le chemin bordé d’arbres tous plus verts les uns que les autres. Un déluge de nuances printanières enchantait le paysage. Pour un peu, on se serait cru le long du canal du Midi. Malheureusement, l’impression ne dure pas. Le passage sous la voie rapide est glauque, il pue la pisse et le reste. La chance veut que ce désenchantement soit de courte durée, une cinquantaine de mètres tout au plus. Les enfants se bouchèrent le nez en criant « Pouah ! Ça pue les cabinets ! » Mais très vite l’idée des cabinets et tout ce qui allaient avec les fit rire et ils entamèrent une jolie ritournelle à base de caca et de pipi qui pètent. Ritournelle à laquelle leur maman mit en terme en les menaçant d’une fessée virtuelle.

Plus loin, le chemin est de nouveau agréable. Il y a beaucoup moins d’arbres, mais ils sont remplacés par de jolis buissons taillés au carré dans lesquels on découvre des trésors. Des canettes, des sachets de restauration rapide avec tous leurs emballages et d’autres objets qu’il vaut mieux éviter d’évoquer. Cependant, Grégoire et Paul ont eu du mal à accepter ce déballage immonde. A l’école, on leur a appris à ne rien jeter par terre parce que ce n’est pas bien. On les incite même à ramasser pour faire acte de civilité. Mais leur mère n’était pas tout à fait de cet avis et a préféré abandonner cette activité éducative aux éboueurs bien mieux outillés. D’ailleurs, nous croisâmes un petit camion de nettoyage qui envoyait de l’eau sur les côtés. Paul hurla qu’il voulait le même, que c’était un joli métier de conduire ce genre de véhicule et qu’il savait maintenant à quelles études, il se destinait ! Sa mère précisa qu’il avait le temps d’y réfléchir et que trop de précipitation nuisait à la cohérence des choix. « Surtout ceux des enfants qu’on emmène traîner dans des coins peu fréquentables. » Je sentis une petite pique qui m’était indirectement adressée !

Enfin, nous arrivâmes chez Bassem et Simon ! Plus exactement sous le pont qui les hébergeait en les protégeant de la pluie et des intempéries. Beaucoup moins du vent, ce mini tunnel fonctionnait comme un ventilateur, à air chaud par canicule et à air froid lorsque le temps était glacial. C’est étonnant comme les pauvres n’ont jamais de chance, même avec les climatiseurs naturels !

- Où il est Simon ? questionnèrent Paul et Grégoire, tour à tour.

Et telle était bien la question !

Jour 43

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