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Le voyageur internautique
19 janvier 2014

Rêve de sable... encore fois, s'il vous plaît !

nuktos9

Est-ce que nous ne sommes pas notre propre rêve ? Vous qui me regardez à travers la lucarne, n'êtes-vous pas autre chose que ce rêve. Il me semble que parfois, je vous cherche si lointainement, en ce lieu où l'horizon perd de sa créance. Alors que, tout simplement au creux de vos yeux, dans le repli de vos paupières, si douces, il y a cette ombre de moi qui me dévisage, étonnée de moi-même. Tout près de vous. C'est pourquoi, vous méritez cet autre épisode en souvenir de ce rêve que je fus auprès de vous.

Neuvième épisode

Les femmes du clan Hopis travaillaient dur dans les plantations de maïs. Depuis que la terre avait pris cette couleur marron, le plants ne prenaient plus. Les indiens perdaient un tiers de leur récolte. Les chiens d'élevage, qui ne servaient plus aux déplacements mais de nourriture, devenaient faméliques. Ils n'étaient plus que des cadavres ambulants aux os apparents. Harassées, les femmes indiennes s'acharnaient à tirer du sol leur maigre pitance. Elles ne prêtaient aucune attention à Poosi, le tout jeune sorcier qui avait prit la place et l'esprit de Otoahnacto. Il semblait absent, comme arrêté dans une sorte de contemplation intérieure. Plus aucun mouvement, le regard fixe. Les rayons du soleil qui annonçaient la fin de la matinée n'avaient pas d'effet sur lui. Les groupes de femmes pliées en deux, usées par le travail de la terre, ne remarquèrent pas tout de suite la jeune Ehawee, toujours souriante d'habitude. C'était là l'origine de son prénom. Mais aucune trace de joie sur son visage crispé. Elle n'osait pas un seul mouvement de peur de déclencher l'irréparable. Le souvenir encore récent du coureur de l'Amok restait ancré dans tous les esprits. Une à une toutes celles qui l'entouraient se relevèrent, lentement, comprenant qu'il y avait danger. Elles avaient pensé à la présence d'un jhoonaw qömvi, l'ours noir descendu des monts Oneida pour dérober quelques nourritures. C'était l'époque où il arrivait que ceux-ci, poussés par la faim, s'approchent des plantations et des troupeaux. Elles comprirent en suivant la direction du regard de la jeune Ehawee qu'il s'agissait bien d'autre chose. Poosi était dans une transe extatique qui ne présageait rien de bon.

 

Son immobilité tranchait dans l'ondulation régulière des maïs rouge irisé de nuances bleutées. Elles étaient dues à une nouvelle race qu'il avait crée à force de croisements. C'était sa fierté, même si, pour le moment, les indiens n'y prêtaient que peu d'intérêt. Les Dieux Kachina, les messagers de l'esprit, lui avaient insufflé la manière et l'art de la culture. Le maïs bleu avait un pourvoir particulier, inconnu des Hopis mais terrible pour les fées Nokomis. Il donnait au sang une saveur particulière qui les faisait se consumer intérieurement jusqu'à leur total anéantissement. Tout à coup Poosi s'anima. Les femmes se préparèrent pour l'immobiliser et le tuer d'un coup de faucille, à la base de la gorge afin qu'il soit stoppé net dans sa course folle. Quelle ne fut pas leur surprise de le voir entamer une danse, en plein milieu de l'étendue ocre, au centre de laquelle pointait une ondulation azurée due aux quelques rangs du nouveau maïs. Il se mit à chanter puis à hurler comme les loups tout en s'accroupissant. Il tournait comme les toupies que les tsay,  à la leur plus jeune âge, lançaient avec force quand ils jouaient sur le devant des battisses en torchis. Les groupes de femmes s'envolèrent à travers champ comme une nuée de moineaux allant crier la nouvelle à leurs proches qui eux-mêmes iraient la porter alentour.

 

Poosi aurait voulu une dernière fois que l'esprit d'Otoahnacto vienne à sa rencontre. Il aurait pu ainsi lui cracher au visage toute la haine qu'il lui portait. Plus jamais à partir de ce jour il ne serait en paix. Poosi avait toujours pensé, et avec lui tous ceux qui le connaissaient, qu'il pourrait se consacrer à sa passion : la culture du maïs, des haricots et des lentilles. Il aimait à contempler ce qu'il considérait comme ses enfants, les voir onduler sur l'horizon quand le soleil descendait sur la messa. Pour tous les Hopis, Poosi était un simple d'esprit et comme tel il était respecté. Pour les indiens, ces personnages que d'autre auraient considérés comme des demeurés, étaient des envoyés de dieux car ils parlaient leur langue. Cela expliquait le fait qu'on ne comprenait rien à leurs propos confus. Lorsqu'un Hoopis croisait Poosi, il l'écoutait attentivement, attendait patiemment qu'il ait fini de parler, s'inclinait et partait sans un mot, heureux d’avoir pu converser avec les divinités. Plus le propos était incohérent, plus l'indien était fier de retourner au village crier la bonne nouvelle : « Poosi a parlé ! Ma langue est restée muette et mon esprit s'est envolé vers le totem ! » Et il marchait fièrement, bombant le torse, espérant que l'une de ses filles soit l'heureuse élue qui emporterait le cœur de Poosi. Toutes l'espéraient secrètement, car elles deviendraient ainsi la personne la plus importante du village. Celle qui partage la parole des dieux. Mais il n'en serait jamais ainsi, la faute en incombait à l'esprit de Otoahnacto. Il avait enlevé aux Hoopis un messager des dieux pour leur donner un nouveau sorcier. Poosi savait maintenant ce qu'il en retournait. Il l'avait vue. Bouleversé, il ne voulait plus vivre, mais il ne voulait pas mourir non plus. Son cœur avait été dévasté par l'inimaginable. Il pleurait de joie, tout en souffrant une infinie tristesse. Il criait sa détresse tout en pleurant sur le bonheur sans égal qui lui avait été octroyé. Il croyait devenir fou, que la furie allait s'emparer de lui. Qu'il allait lui aussi courir sans raison jusqu'à ce que la mort anéantisse son être. Tout cela à cause d'une lumière diaphane descendue pour baigner tout d'abord sa tête d'une douceur immense. Elle s'était déversée en lui comme le nectar des fleurs quand il devient miel. Puis lentement, comme la marée submerge le rivage, elle était apparue, belle, ondoyante. Son visage magnifique s'était avancé et avait embrassé le front de Poosi. Il n'eut pas le temps de savourer ce baiser que déjà les lèvres de Lux, posées sur les siennes, insufflaient la vie dans son corps et son esprit. Ainsi lui fut donné la compréhension du monde. Elle avait disparu comme elle était venue, dans un bruissement, au creux d'un souffle que le vent tiède avait porté. Poosi avait voulu la retenir, car à l'instant même il avait su le chemin sombre, empli de ténèbres et d'horreur qu'elle allait emprunter. Il ne pouvait supporter l'idée de la perdre, car à partir de maintenant son esprit était lié à elle et plus jamais il ne pourrait penser à autre chose. Le cadeau que lui avait fait Otoahnacto était ainsi : vivre un amour infini, être traversé par la grâce, avoir eu la joie de contempler la beauté absolue. Mais cet amour avait un prix, l'impossibilité. Poosi comprit la tristesse qu'éprouvait Otoahnacto et pourquoi il vivait dans un tipi à l'écart du village et qu'aucune femme n'avait jamais pu l'attirer. Il en serait de même pour lui, mais de cela, jamais il ne ferait le reproche à Lux, car il avait connu par elle, l'amour absolu, ce que peu d'hommes ont la chance de vivre.

 

Les femmes courraient en tout sens, abandonnant ce qu'elles avaient à peine commencé. Les hommes sortaient sur le pas de la porte. Les enfants arrêtaient de piailler et stoppaient net leur course. Ainsi se propagea la terrible nouvelle. Terrible car elle signifiait l'abandon du village et le départ pour la marche sombre. Terrible aussi car elle signifiait des bouleversements dans la vie quotidienne de la tribu : le totem venait de parler une langue inconnue, il avait muté. Il était le totem double, le lööyö' portée par la puissance de l'astre lunaire couplée avec celle que le indiens vénéraient depuis des lunes et qu'ils ne savaient pas nommer : Lux. Il fallait partir pour la longue chasse du bison pour communier avec lui, dans sa peau, mêlé à sa chair afin que la chaleur de ses entrailles nourrissent le peuple Hoopis. Puis il faudra manger l'herbe qui ouvre l'esprit afin que tous soient visités par l'animal totem qui leur délivrerait le nouveau nom. Alors seulement ils pourraient regagner leurs habitations. Cette quête pouvait durer plusieurs lunes, leur nombre était d'une grande importance, il signifiait la force du nouveau totem.

 

En un rien de temps le village était vidé de ses occupants. Les Hopis savaient retrouver les traditions ancestrales des nomades. Ils avaient abandonné les chiens bien moins pratiques pour tirer les travois constitués de longues perches traînant sur le sol. Depuis ils avaient appris à dresser les chevaux qu'ils montaient à l'aide d'un arçon en cornes de Wapiti, pour certains. D'autres préféraient simplement une peau de bison, plus pratique pour s'éjecter de l'animal et fondre sur sa proie. Les couvertures furent roulées, les tresses rassemblées pour y enfourner les poteries et les ornements précieux. Ils savaient que lorsqu'ils reviendraient sur leurs terres l'ennemi de toujours aura dévasté les maisons, ravagé les plantations et massacré les animaux encore présents. La renaissance passait par la destruction. Les Hopis étaient imprégnés de cette vérité. Les terribles Mohawks, aussi surprenant que cela puisse paraître, avaient un rôle dans la compréhension du monde selon les Hopis. Tout avait une nécessité, même les ennemis. Ils allaient sans le savoir, par le déferlement de leurs hordes en furies emporter sous les sabots de leurs montures, sous les semelles de leurs chausses, la terre maudite que Nox avait fait ensorcelée par Kaos pour y piéger Lux et l'affaiblir à jamais. Cette terre emportée de son lieu totémique n'aurait alors plus aucun pouvoir. De même qu'elle n'avait aucun effet sur les Mohawks dont le totem était tout autre.

 

Quelques Nokomis trop impatientes de goûter le sang du nouveau sorcier Poosi, commençaient à chanceler, elles semblaient prisent d'une ivresse douce et plaisante que leur communiquait ce nouveau breuvage aux couleurs azurées. Mais très vite, elles se mirent à lancer des cris stridents qui soulevaient une tempête de sable annonçant de ces pluies noires et furieuses qui allaient ravager les terres, créant ainsi des torrents de boue. Malheureusement pour Nox, cette furie arriverait bien trop tard. Il venait de sacrifier quelques unes de ses précieuses Nokomis pour rien. Les Hopis avait une capacité étonnante pour disparaître en un rien de temps. Quant aux Mohawks leur rapidité légendaire et leur force dévastatrice auront déjà œuvré bien avant le déferlement féroce des trombes d'eau. Toute cette énergie n'aura servie qu'à épuiser en de vaines tentatives la colère de Nox, à expulser la rage noire qui habite son âme.

 (premier épisode)

(deuxième épisode)

(troisième épisode)

(quatrième épisode)

(cinquième épisode)

(sixième épisode)

(septième épisode)

(huitième épisode)

cf. Lumière et ténèbres

coécriture : Hime-Chanet Olioweb

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