Chronique d’un enfermement : jour 4
Il s’agit (toujours) d’une fiction !
J’ai dormi longtemps, trop longtemps. Le comble, j’ai encore sommeil. Sur le balcon y a une palanquée de pigeons, je les ai chassés à coups de balai. La voisine a rigolé quand je me suis foutu un coup sur la cheville puis que j’ai dégommé la lanterne. Après mon combat désespéré contre la faune sauvage, on a papoté un peu. Elle m’a présenté ses mômes. Le plus petit a 5 ans, il se prénomme Paul, l’autre a deux ans de plus. Grégoire il s’appelle. Paul est arrivé, il a tiré sur la jupe de sa mère, cela a mis fin à la discussion.
J’ai oublié de lui demander comment elle s’appelle.
Bonne ou mauvaise nouvelle, je ne saurais dire, mais pas plus de couvre-feu que de chars de combat.
En face de chez nous, il y a un fatras d’objets bons pour la décharge. Est-ce que le service municipal fonctionne encore ? Un drôle de type tourne et retourne tout à la recherche de son bonheur. Je crois bien qu’il n’a rien dégotté.
Une rom et un adolescent qui l’accompagne avec un caddie, font la tournée des conteneurs pour se nourrir. Pas de chance, par ces temps de disette, les poubelles ne regorgent plus. Finis les repas pantagruéliques.
A midi on mange les restes. Purée d’hier, légumes d’avant-hier et saucisses congelées.
Je ne vous ai pas parlé de ma santé. Je me porte plutôt bien. Un léger mal de crâne combattu bravement à coup de Doliprane effervescent. J’aime bien regarder le cachet fondre. Avant l’enfermement, j’étais pressé, alors je l’écrasais à la cuiller pour que ça agisse plus vite. Maintenant, j’ai tout le temps d’observer les minuscules bulles qui se forment et qui remontent à la surface.
Finalement ce n’était pas le dentifrice, j’ai toujours la gorge qui gratte. Et le nez aussi. Par contre, je n’ai pas éternué. Pas encore.
On a nouvelle activité, on fait des masques de protection contre le virus à la machine à coudre. C’est pour le corps médical. Bientôt, ils vont manquer.
Heureusement que le gardien n’est pas confiné, sinon on croulerait sous les déchets !
J’irai peut-être faire un tour à vélo, si j’obtiens le laissez-passer délivré par les autorités.
Comble de la provocation, le soleil s’obstine à briller fièrement derrière la fenêtre de la cuisine…