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Le voyageur internautique
19 mars 2020

Chronique d’un enfermement : jour 6

Chronique d’un enfermement

S’agit-il d’une fiction ?

accès début (jour3)

enfermement coul

Ce matin, je suis allé faire mes courses, on voulait une boîte de haricots. Manque de chance, j’ai oublié mon laissez-passer, la boîte me revient à 2 euros trente, plus 135 euros d’amende. Ça fait cher le haricot, même vert. En chemin, j’ai croisé une femme assise par terre. Un malaise certainement, mais comme une dame s’occupait déjà d’elle, j’ai préféré garder mes distances. Si ça se trouve, elle s’est juste tordu la cheville, pas de quoi fouetter un cheval.

 

Pas de voisine à l’horizon, mais toujours celui du dessus qui continue à crier à la fenêtre pour demander s’il y a quelqu’un dehors. J’ai abandonné l’idée de lui répondre, puis je me suis ravisé. Pour qu’il rentre plus vite dans son appartement et qu’il nous laisse tranquille. A force, quelqu’un qui gueule, c’est fatigant.

 

Les pigeons sont revenus, j’ai en touché trois. Maintenant, je suis à la fenêtre le nez en l’air.

 

J’ai aussi essayé de faire du pain. Il y avait plus de farine sur le sol et autour de moi que dans le pain. Si on peut appeler ainsi le bloc de pierre qui est sorti du four. Finalement, je me suis rendu chez le boulanger. Avec un laissez-passer dûment rempli. 135 euros 90 le pain, ça fait réfléchir.

 

L’église est fermée, Dieu est confiné aussi.

 

Le monticule de détritus prend de l’ampleur. Le fouilleur a troué son bonheur. Un vieux fer à repasser et des planches. Il se déplace avec une charrette fixée à la selle de son vélo.

 

Les roms ne sont pas venus. Ils ont mangé mes yaourts périmés. Pas moi. Y en a plus dans les rayons. J’aurais peut-être dû les garder pour moi.

 

Aujourd’hui, grand beau temps. Un printemps précoce, des arbres en fleurs, un petit air agréable. On ne peut même pas en profiter, les berges sont fermées. Même avec un laissez-passer. Ce matin, j’ai fait le tour du quartier dans un rayon de 100 mètres. Le milicien d’hier m’a regardé avec un petit sourire et le pouce en l’air. Il ne m’a même pas contrôlé.

 

En chemin, j’ai rencontré madame Stromboli. J’ai pris la distance réglementaire, un bon mètre, ce qui fait qu’on a l’impression que tout le monde s’engueule dans la rue. On l’appelle Stromboli parce qu’elle est italienne et son mari aussi. Ce surnom lui a été attribué le jour où elle nous a raconté que son grand-père faisait pousser des fraises sur les pentes du volcan et qu’il s’était fait griller les fesses en s’asseyant sur des braises. Celles laissées la veille par un feu de camp. J’en ai profité pour lui demander des nouvelles de sa famille. En guise d’introduction, ce n’était pas le sujet qui me préoccupait. J’ai patiemment attendu qu’elle énumère tous ses petits-enfants français, puis ceux d’Italie et j’ai posé ma question. Avait-elle des nouvelles de la voisine du troisième dans le bâtiment d’en face.

 

- Vous ne savez pas ?

 

Non, je ne savais pas, puisque je m’adressais à elle pour savoir.

 

- Elle est…

 

Et là, elle a aperçu monsieur Gontran, un bedonnant imposant qui s’impose partout où il peut. J’ai à nouveau patienté qu’elle explique, pour chacun de ses petits-enfants, ce qu’ils faisaient et comment ils allaient avant d’oser un « Et pour la voisine alors ? » Elle m’a lancé un regard noir soutenu par un haussement de sourcil de monsieur Gontran.

 

- A l’hôpital !

 

- Où vouliez-vous qu’elle soit, a ajouté le bonhomme.

 

 J’ai salué rapidement avant de m’éclipser et je me suis dit que le monde était mal fait.

 

Je ne saurai jamais son prénom.

Jour 7

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