Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le voyageur internautique
21 mars 2020

Chronique d’un enfermement : jour 8

Chronique d’un enfermement

Fictionnellement vôtre.

accès début (jour3)

 enfermement coul

J’ai tellement eu peur hier, que je ne suis pas sorti de chez moi. J’ai mis le nez au balcon, mais le voisin du dessus m’a exaspéré tellement que je suis rentré. Il voulait savoir combien on était dehors et s’il fallait qu’il se compte dans le tas. Il est de plus en plus incohérent.

Ou alors c’est l’appartement du troisième de l’immeuble d’en face avec ses fenêtres désespérément fermées.

Le rationnement est tombé, ce n’est plus la peine de se rendre dans les magasins, y a plus personne pour servir. Les miliciens vont passer distribuer de la nourriture. Aujourd’hui, nous avons eu deux boîtes de lentilles aux agrumes. Je ne savais pas qu’on pouvait marier des légumineuses avec des fruits.

En réalité, on ne peut pas, c’est immangeable. Heureusement, il me restait du pain dur comme la pierre et un peu de pâté.

J’ai longuement repensé à mon incarcération. Que sont devenus les deux autres ? Ils ne parlaient pas notre langue, ni l’un ni l’autre. Je pense qu’ils viennent pour l’un du continent africain et pour l’autre du Moyen-Orient. Ils avaient l’air résigné, mais à quoi ?

Il reste la question de cette lettre. Pour quelle raison m’avoir parlé de lettre ? Et surtout quelle lettre.

J’ai commencé Guerre et Paix, mais je me suis lassé assez vite. J’essaierai les Raisins de la Colère. Sinon je regarde le programme national désormais seul à émettre. La radio ne fait que reprendre le journal gouvernemental de la TV. Et réciproquement. C’est tellement accablant que j’ai débranché le cordon de connexion au réseau. Les infos se résument à une litanie sur nombre de décès et l’état de la courbe de croissance de l’épidémie. De dépit, nous avons ressorti les jeux des enfants quand ils étaient petits. J’ai gagné trois fois. En trichant.

Nous avons perdu la règle du nain jaune, alors on n’a pas joué.

J’ai ressorti les boules de pétanque, je les fais rouler sur le sol pour dégommer celles des autres. Cela ressemble plus au curling qu’à la pétanque. On a arrêté à cause des voisins du dessous. Eux, ils ont un billard, ça fait moins de bruit. Je suis jaloux, avec mes boules, j’ai l’air malin. Pourtant, le jeu était amusant.

Comme je ne savais pas quoi faire, j’ai fait des crêpes avec l’eau et de la farine de pois chiches. C’est assez indigeste, mais ça cale pour la journée. Après, je suis allé dormir, trois heures après j’ai émergé dans un état comateux, j’ai tout vomi et les autres aussi. Avec le mal de tête et le nez qui coule, c’est mauvais signe. J’ai peur de finir à l’hôpital. Je ne sais pas si on en ressort, je n’ai aucune connaissance qui a été obligé de s’y rendre, mais j’ai entendu dire qu’on n’en revenait pas. Ce sont des rumeurs.

Il faudra que je questionne le voisin du dessous, il travaillait à l’hôpital Saint-Antoine, livraison des repas. L’armée a pris le relais. Il faudra que j’attende qu’il ouvre sa fenêtre, car il refuse de répondre quand on frappe à sa porte.

Après, je me suis enquiquiné pendant cinq heures d’affilée, c’est long. J’ai repensé à l’époque où j’avais un travail. Comptable chez IED, une entreprise qui sous-traitait avec l’état des services à la personne. Comme y a plus personne à servir, on sert plus à rien.

Jour 9

Publicité
Publicité
Commentaires
Le voyageur internautique
  • Le voyageur internautique se propose de vous retrouver au fil des réseaux et des ondulations de la toile pour un banquet sidéral au son des ruminations mentales qui l'habitent ... Affaire à suivre !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité