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Le voyageur internautique
5 avril 2020

Chronique d’un enfermement : jour 25

Chronique d’un enfermement

Si tout est fiction, rien n’est réel, donc tout est néant ?

accès début (jour3)

enfermement coul

Je tousse moins et je respire moins aussi. L’air semble manquer de consistance tout en étant épais et sirupeux. Seule sa fraîcheur est bienfaisante. Je me suis levé difficilement pour faire quelques pas autour du lit. J’aurais couru un cent mètres en battant le raccord du monde, je n’aurais pas été moins épuisé. Pourtant, les nouvelles sont beaucoup moins alarmantes. La courbe s’incurve légèrement. Il y a eu des hip hip hip hourra toute la soirée. Même les miliciens y sont allés de leurs voix.

J’ai appris aussi que la femme qui fouillait les ordures est réapparue et qu’elle a repris son activité. De même que l’homme avec sa charrette qui trie les gros déchets. Ils ont tous les deux une faculté à éviter la rencontre avec la milice qui me sidère. Toutes ces nouvelles me sont rapportées par ma tendre épouse.

Mais une bonne nouvelle peut en cacher une autre. Héloïse notre voisine d’en face - je vous rassure tout de suite, elle va bien et ses enfants aussi - nous a dit que le fou du dessus a été interné pour de bon. Il a transformé sa fille et son chat en pâtés stérilisés qu’il a distribué aux pauvres pour ne pas qu’ils meurent de faim. Vu comment il était maigre, il n’a pas dû utiliser sa propre production.

Mais venons en à Nour et à mon hébergement de fortune sur la rive Gauche. Celle de l’Ile Saint-Denis, pas celle de Paris, vous avez compris.

Le petit matin pointait le bout du nez, j’hésitais encore sur la conduite à tenir, mais la vue de la milice, marchant par quatre au pas cadencé, sur les berges d’en face, m’a aidé à prendre une décision rapide.

- Vous pouvoir dormir un peu là.

Vu qu’il n’y avait qu’un lit, celui dans lequel elle dort avec les enfants, je préférais refuser poliment tout en optant pour la chaise de jardin faisant fonction de chaise de salon. En réalité, la politesse n’avait rien à voir là-dedans, mais plutôt la peur d’être contaminé. Ses trois enfants toussaient de concert et avaient le nez qui coulait. Dans un éclair de lucidité que ma condition masculine rendait soudain fulgurante, je réalisais que l’embonpoint de Nour, n’en était pas. Confortablement installé dans mon fauteuil pendant qu’elle s’occupait des enfants, je méditais sur ma découverte. Issam était donc le père de quatre enfants en tout ! Il ne manquait plus qu’un « Euréka » pour conclure cette mise au point. Il me fallut beaucoup moins de temps pour m’assoupir.

Lorsque j’ouvris les yeux, le soleil était perché au Zénith et Nour posait son doigt sur la bouche afin de faire signe aux deux filles de faire moins de bruit. Elles s’amusaient avec des billes à culbuter de petites figurines posées sur le sol en terre battue. Le garçon, plus jeune, suçait un bout de tissu tout en observant attentivement ses deux sœurs. Nour s’approcha du fourneau de fortune, elle souleva le couvercle d’un faitout en fonte afin de touiller ce qui mijotait. Une odeur agréable s’en échappa qui vint chatouiller mes narines. Voyant que j’avais ouvert les yeux, Nour se força à sourire.

- Vous dormir fort et faire bruit avec bouche.

« Ah bon » répondis-je quelque peu vexé d’être accueilli par ces mots. J’aurais certainement préféré qu’elle me prenne dans ses bras pour me câliner doucement. En l’observant dans le rai de lumière qui traversait la pièce, je découvrais une fort jolie femme. Elle devait avoir à peine une trentaine d’années. Ses yeux clairs laissaient transparaître une grande tristesse malgré une bonhomie de façade. Son corps était fin et agréable et son petit bidon naissant lui donnait un charme qui devait rendre fou l’homme qui partageait sa vie.

- Ça khoresht bademjan. Mangé de Syrie avec aubergine ! m’expliquait-elle tout en agitant un légume devant elle. Pas viande, alors amab, ajouta-t-elle en désignant une peau de lapin. Plein amab dans parc derrière.

De ma chaise de jardin, je l’observais qui se démenait au-dessus d’un grand coffre.

- Vous assez dormi, maintenant travail ! me dit-elle tout en pointant du doigt un tapis qui prenait le soleil sur une corde tendue entre deux arbres.

Jour 26

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