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Le voyageur internautique
16 avril 2020

Chronique d’un enfermement : jour 36

Chronique d’un enfermement

La guerre est-elle une fiction pour appeler la paix à la rescousse ? Ou bien est-ce l’inverse ?

accès début (jour3)

enfermement coul

- Hé ! fils, faut bouger, sinon toi prison !

J’ouvris les yeux pour découvrir que mon père avait pris la forme d’un Pakistanais qui me secouait en tous sens. Un vacarme incessant couvrait ses paroles, ponctuées par des détonations assourdissantes. Tant bien que mal, je recouvrais mes esprits, mais désorienté, je ne savais où aller. Devant mon hésitation, l’homme me questionna sur mon groupe d’intervention. « Les métalliers. » Il me dévisagea très étonné par ma réponse. Il mit un peu de temps à intégrer la réponse, puis finit par me désigner l’entrée d’un parc. « Le jardin ? »

- Non pas jardin, rue à gauche !

Puis il détala et moi aussi, la milice tentait une nouvelle percée. J’échappais tant bien que mal au canon à eau qui faisait des ravages parmi nous. Dans la rue du Quai de la Seine, je trouvais mon groupe, diminué de moitié. Bassem avait le visage ensanglanté, mais il montrait une énergie inépuisable.

- Content de te revoir ! Désolé pour l’accueil, ils nous ont devancé !

Ils faisaient référence aux forces de police venues épauler les miliciens.

La place était cernée et le canon à eau nous obligeait à reculer vers les forces de l’ordre. Nous pouvions encore échapper à l’inévitable en nous planquant derrière les piliers du métro aérien. Mais ce n’était que partie remise. Nous étions acculés tout près de grilles et si nous avions le malheur d’aller vers elles, le canon à eau nous fauchait un par un. Deux de nos compagnons avaient déjà été happés par la puissance du jet. Soudainement, l’eau cessa d’arriver, il y eut un mouvement de repli dans les rangs des miliciens.

- Ce sont les Roms ! Ils nous ont rejoints !

De les apercevoir, je me mis à pleurer comme un enfant.

Plus tard, Bassem m’expliqua que les Roms n’avaient jamais voulu entendre parler de révolte et qu’ils n’avaient que faire de nos états d’âmes. Plusieurs rencontres s’étaient soldées par une franche engueulade au sujet du cuivre.

- Ils ont amené un fourgon sur lequel ils ont soudé des rails de chemin de fer.

A l’aide de ce véhicule de fortune, ils avaient fauché le canon à eau par le travers et avaient réussi à le renverser. La bataille tournait à notre avantage.

- On va attaquer les magasins d’Etat, nous devons trouver de quoi fracasser les vitrines.

On s’acharna sur les bancs pour les arracher du sol. Nous utilisâmes aussi les grilles qui entouraient les arbres. Armés de barres de toutes sortes, nous pouvions nous attaquer aux magasins. Etait-ce l’ambiance insurrectionnelle ou bien la peur ou encore les deux mélangés, mais je me jetais dans la bataille à corps perdu. Il me semblait retrouver une ferveur qui m’avait quitté il y avait bien longtemps. Une jeunesse oubliée, abandonnée derrière une poignée de pavés imaginaires.

Pour tenir notre position, il nous fallait prendre de plus en plus de risques. Le prix à payer avait été lourd. Les groupes avaient été décimés, des corps gisaient sur le sol, sans connaissance. Ils étaient ramassés sans ménagement et jetés dans des camions. Les protestataires étaient venus avec des malheureuses banderoles pour toute arme. Maintenant, il fallait sauver sa peau. Nous abandonnâmes l’idée de pénétrer dans les magasins d’Etat lorsque les miliciens qui avaient reconstitué leurs forces, déboulèrent par l’avenue Jean Jaurès. Notre groupe était coincé, toutes les rues adjacentes étaient bloquées par des patrouilles armées de lance-grenades ou bien de matraques électriques. Bassem attendit que nous fûmes tous réunis avant d’intervenir. Nous avions été repoussés vers la rue du Quai de la Seine.

- Notre seule chance, c’est de traverser à la nage, de l’autre côté, on pourra filer par la Villette.

Chacun se déchaussa en voyant Bassem faire de même. D’autres ôtèrent les tissus épais en laine. Personne ne protesta. En un silence, nous entrâmes les uns après les autres dans l’eau froide. Après une brusque inspiration une fois que l’eau se saisit de notre corps, nous commençâmes à nager, chacun comme il pouvait. Il ne devait y avoir guère plus de cinquante mètres, mais la traversée semblait durer un temps infini. Les premiers commencèrent à se fatiguer, ils ne maîtrisaient pas vraiment la nage et s’épuisaient en mouvements inutiles. Pour eux, il fallut le secours d’un brave type qui vint les sortir de l’eau et les monter à bord de sa barque. Il l’avait fauchée au débarcadère où venaient se fournir les touristes avant le confinement.

Une fois sur l’autre berge, pieds nus et trempés comme des soupes, nous remontâmes le long du canal de l’Ourcq. Les uns filèrent en direction de Pantin. Avec Bassem, nous rejoignîmes le campement où nous attendait Simon.

Jour 37

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