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Le voyageur internautique
24 avril 2020

Chronique d’un enfermement : jour 44

Chronique d’un enfermement

Si ce n’est pas moi qui écris, mais l’auteur, suis-je une fiction de mon récit ?

accès début (jour3)

enfermement coul

Je me dirigeais d’un pas hésitant vers la porte d’entrée. Ma femme préférait rester dans le salon, observant de loin. Une question me turlupinait, pour quelle raison n’avait-on pas utilisé l’interphone et deuxièmement, pourquoi laisser la sonnette de côté et choisir de marteler la porte. Si cela avait été le gardien, il aurait sonné, le facteur, idem. Je n’entrevoyais qu’une possibilité et elle n’était guère rassurante. Nouveau tambourinement. Je me décidais à tourner enfin la poignée. La porte fut poussée d’un coup, il s’en fallut de peu que je n’atterrisse sur mon postérieur.

- T’en as mis du temps à ouvrir !

Devant moi, Bassem et Simon. Bassem, très rapidement vérifia ma main et fut assez étonné d’y découvrir le signe qui me distinguait des Tortors. Il n’était pas au bout de ses surprises, car Simon l’avait devancé et il examinait déjà mon épouse. Bassem se précipita derrière lui afin d’éviter un drame. Drame qui n’eut pas lieu pour la bonne et simple raison que les signes qui nous avions dessinés lors de notre promenade n’étaient pas effacés. Les enfants ne voulant pas les retirer par solidarité avec les pauvres et ma femme, parce que le savon n’avait que peu d’effet sur le stylo bille.

- Que faites-vous là ? fut la première question idiote qui me vint à l’esprit.

Je me doutais bien de ce qu’ils faisaient, là, devant ma porte.

- La milice et les forces de l’ordre ont organisé une grande rafle au petit matin. Ils nous ont foutus dans des bus RATP à destination des camps de rétention. Simon a fait diversion involontairement à cause des Tortors, les autres se sont échauffés et dans la confusion générale, on a réussi à s’échapper.

- Voulez-vous manger ou boire quelque chose ? fut la deuxième question, nettement moins idiote. Elle venait d’être posée par ma femme.

Nous nous installâmes autour de la table de la cuisine. Chacun avec une grande tasse de café agrémentée de tartines. Même moi. « Tu as déjà déjeuné, tu as encore faim ? » Non, je n’avais pas faim, mais une tartine à la confiture, même issue des magasins d’Etat, je ne pouvais pas rater cela. Simon, lui, était toujours au garde-à-vous et refusait de s’asseoir malgré les nombreuses propositions de mon épouse. Il observait par la fenêtre, au cas où des Tortors motorisés arriveraient du ciel.

- Madame, commença Bassem, je suis désolé de vous demander une chose pareille, mais…

- Evidemment que vous pouvez rester dormir, vous utiliserez la chambre d’amis.

Une chose me chiffonnait, pour quelle raison énigmatique, il s’était adressé directement à ma femme, passant par-dessus mon autorité naturelle.

- Comment vous nous avez trouvé ? fut ma nouvelle question, mûrement réfléchie, cette fois.

- Grâce à Nour, elle nous avait expliqué le chemin que tu devais prendre avec ton vélo pour retourner chez toi. Une fois dans ton quartier, on s’est planqué et on a attendu que tu pointes le bout du nez.

Il arrêta son explication, mais je sentais bien qu’il n’en avait pas terminé. Nous respectâmes tous les deux son silence. Je ne compte pas Simon, qui respecte tout le temps le silence, sauf en cas d’invasion.

- Je sais où ils ont emmené Nour, ils parquent les Syriens dans le camp d’internement de Bergerac…

- Et la révolte, demanda ma femme, qui décidément se révélait avoir une conscience politique plus profonde que prévue.

- On a été mis hors d’usage, en tous les cas, au Nord de Paris… Il paraît qu’à Ivry, les travailleurs précaires entrent dans la lutte. Durant le confinement, eux aussi ont payé un lourd tribut à l’épidémie, en allant travailler !

Jour 45

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