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Le voyageur internautique
1 mai 2020

Chronique d’un enfermement : jour 51

Chronique d’un enfermement

Si l’histoire est une fiction du passé, la géographie est-elle une fiction du présent ? Et les deux combinées forment-elles le tropisme qui nous pousse dans les orties ?

accès début (jour3)

enfermement coul

Le camion roulait pesamment dans la moiteur de la nuit. Une poussière épaisse brouillait le paysage rendant la route pareille à toutes les routes. Une chose était certaine, ce chemin traversait la campagne, certainement afin d’éviter les grands axes. Mais pour quelle raison ? Nous traversâmes enfin une petite ville endormie. Seul un paysan poussait une brouette dans laquelle on avait jeté des branchages. Le bonhomme s’arrêta, rejeta sa casquette en arrière, il nous regarda disparaître dans le lointain, puis certainement, il reprit sa route.

Les deux miliciens semblaient assoupis, un gars assis à mes côtés, voulut se lever pour tenter quelque chose, mais son vis-à-vis l’empêcha d’agir et en effet l’instant d’après, l’un des miliciens déplaça son fusil pour s’allumer une cigarette. Plus le temps défilait, plus ma présence dans ce convoi d’étrangers me paraissait irréelle, j’avais beau retracer les évènements qui m’y avaient conduit, cela semblait encore plus étrange.

Le gars à mes côtés avait repoussé ma tête deux ou trois fois, puis il avait abandonné cette guerre contre un dormeur qui ne contrôlait plus son corps. J’avais fini par m’assoupir au rythme cahoteux des essieux.

Le soleil était déjà haut sur l’horizon lorsque j’émergeais d’un rêve idiot durant lequel j’ouvrais en deux le corps des enfants pour les opérer du nombril par l’intérieur. C’était ma première opération sous la supervision d’un chef. J’avais oublié le haricot avec les scalpels, je courais vite le récupérer et je réussissais enfin à ôter le petit bouton noir qui terminait le nombril à l’intérieur du corps. Puis je refermais, sous le regard satisfait de celui qui me supervisait. Ce rêve crétin avait l’aspect du réel à tel point que je me levais d’un coup en criant « Je l’ai eu ce putain de nombril ! ». En réponse, je reçus un méchant coup de crosse dans les reins qui me fit me rasseoir tout en retrouvant la vraie réalité. Celle d’un imbécile qu’on prend pour un étranger et qui va finir dans un camp.

Nous traversâmes un village qui finissait en ‘illac’, le manque de visibilité conjugué à la vitesse m’empêchait d’en savoir plus. Ce voyage sans destination paraissait interminable et en même temps, la crainte d’arriver doublait cette indétermination d’une angoisse autour de l’écoulement du temps. Il y avait aussi la faim et la soif. Elles venaient ajouter un sentiment contradicteur, l’envie d’en finir avec ce voyage pour au moins avoir un peu d’eau. L’eau, une fontaine ou bien un pichet devenaient des images obsessionnelles. J’étais tenté d’ouvrir l’un des sacs. Dans ma tête, j’avais choisi Hello Kitty. Mais n’en fis rien. L’instant d’après j’optais pour l’Araignée. J’appelais les sacs par leur petit nom et je fantasmais sur ce qu’ils pouvaient bien contenir. Des en-cas au camembert, j’étais arrivé aux tartines de confiture en passant par des tranches de gigot. J’y ajoutais une boîte de crème de marron et des biscuits fourrés à la figue.

Je délirais dans un état semi-comateux

L’arrêt brusque du camion, le hurlement des miliciens m’extirpèrent de ma rêverie brutalement.

- Allez, dépêchez-vous de descendre, fissa !

Je ne comprenais pas cette précipitation soudaine, tout ça pour nous aligner en plein soleil, sacs aux pieds à attendre on ne savait quoi. Le camion stationnait encore dans la cour lorsque j’aperçus une figure familière. Simon était là, au garde-à-vous, scrutant l’horizon, les mains dans les poches.

- On est à Bergerac alors, expliquais-je à mon voisin.

- Ta gueule toi là-bas ! Tu sais pas lire ou quoi ! hurla un milicien dont la figure m’était inconnue et que j’allais pas tarder à mieux connaître.

Ce fut en levant le nez que je compris sa remarque, juste avant le coup de crosse dans l’estomac.

Jour 52

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Commentaires
O
Je vois que monsieur est en pleine forme !
Répondre
J
au fait je me pose une question : avoir les cheveux auburn, c'est une couleur ou une longueur?
Répondre
J
foutre!!!
Répondre
J
foutre!!!:!
Répondre
O
Je vois bien où môssieur va faire ses emplettes !
Répondre
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