Chronique d’un enfermement : jour 55

5 mai 2020

Chronique d’un enfermement

La fiction ne ment jamais, c’est cool non ?

Tous les camps se ressemblent, mais…

J’avais tout de suite noté des différences, au début infimes, puis petit à petit beaucoup plus fortes. Le hangar n’était plus disposé tout à fait de la même façon, comme si on l’avait légèrement déplacé sur la droite. Il était un peu plus petit en longueur. Le lampadaire diffusait une lumière plus faible aussi. Et le terrain vague qui jouxtait notre campement était maintenant traversé par des rails noyés dans une herbe jaune. Mais encore un élément rendait l’instant encore plus étrange. N’Dongo et le milicien n’étaient plus là, ils avaient quitté les lieux, sans moi. Simon, lui n’avait pas bougé, il tendait son bras indiquant une direction du doigt. Je n’y m’intéressais pas. Je cherchais encore à comprendre ce qui venait d’arriver. Ce fut la voix dans mon dos qui me sortit de ma torpeur.

- Qu’est-ce que tu fous, les miliciens ne vont pas tarder à faire leur ronde.

Et à cet instant précis, je remarquais un détail qui aurait dû me sauter aux yeux. J’étais de l’autre côté des barbelés qui entouraient le camp.

- Comment Simon, nous a fait sortir ? questionnais-je.

- Tu veux dire comment nous allons réussir à entrer ?

Nouveau détail qui m’apparut soudainement. La voix était celle de Bassem. Il était placé sur le côté, exactement dans la direction indiquée par Simon.

- Vous m’avez retrouvé alors ?

- Oui, avec les sacs à dos, près des quais de déchargement.

- Mais non ! J’étais dans ce camp, le camp de Vernet avec N’Dongo.

Bassem me dévisagea comme si j’avais dit une énormité. L’espace d’un instant, j’ai pensé qu’il allait mettre son doigt sur sa tempe et dire « Toi toctoc ». Mais je n’avais pas besoin de lui pour ça, j’aurais pu le faire tout seul. Je n’avais tout simplement plus le sens de la continuité.

J’avais perdu connaissance environ une demi-heure. J’espérais être sorti d’un mauvais rêve qui au final n’était pas si mauvais puisque dans ce songe, j’avais retrouvé mes amis et je n’étais plus interné dans un baraquement nauséabond. Mais je voulais retrouver la réalité que j’avais quittée parce qu’elle était rassurante pour mon intégrité. Plutôt l’enferment et la tinette que l’incohérence. Manque de chance pour mon esprit, ce ne fut pas le cas.

- C’est où qu’elle habite la sœur de ton ami ?

- Pardon ?

- Tu m’inquiètes, es-tu certain que ça va aller ? Mange un sucre, tu as dû faire une chute de tension.

A ce moment, j’imaginais tout un tas possibilités, mais la chute de tension n’en faisait pas partie. Bassem m’expliqua que je leur avais dit connaître une personne qui pourrait nous aider à Bergerac et qu’après notre inspection des alentours du camp nous nous y rendrions. Il me fallut un peu de temps pour recoller les morceaux.

- On n’est pas à Bergerac, on est à…

Et là, je n’eus pas besoin de finir ma phrase puisque derrière Bassem, se trouvait l’un des panneaux municipaux de la ville de Bergerac et que j’imaginais mal la ville de Vernet emprunter les panneaux de Bergerac pour les installer dans la commune.

- Alors ?

- Alors quoi, répétais-je comme un perroquet.

- L’adresse !

- Quelle adresse, persistais-je à la façon d’un écho dans les montagnes. Puis rétablissant les connexions entre mes neurones j’ajoutais « Ah oui, la sœur de mon ami, c’est chemin des Galajoux, au 256. »

Il me fallut un peu de concentration avant de réussir à me repérer dans les dédales de la ville de Bergerac. Je n’y étais venu qu’une fois et ça avait beaucoup changé.

- Faudrait un véhicule !

Simon tourna sur lui-même jusqu’à ce qu’il repère un scooter. Dix minutes plus tard, nous étions en route sur le chemin des Galajoux.

Jour 56