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Le voyageur internautique
7 mai 2020

Chronique d’un enfermement : jour 57

Chronique d’un enfermement

Une fiction se résume au nombre de troènes dans la maison de la sœur d’un ami...

accès début (jour3)

enfermement coul

Les vignes étaient principalement constituées d’un jardin d’une trentaine de mètres qui se situait derrière la maison. A la place de la vigne, des herbes folles et un laurier qui s’étaient accaparé une partie du jardin. Un cerisier qu’un orage quelconque avait plié en deux. Ce jardin avait la tristesse de l’oubli. Pour le principe, nous arrosâmes un peu partout en patientant jusqu’à l’heure du déjeuner. L’après-midi, nous fîmes une bonne sieste, à cause du vin de Bergerac, excepté Simon qui ne mangeait que du pain et ne buvait que de l’eau. La fin de l’après-midi arriva assez vite. Nous avions découvert un jeu cartes qui nous permit de jouer les payes que nous n’avions pas. Au soir, nous quittâmes madame Zymotec en promettant de revenir bientôt. Elle nous salua comme si nous étions des membres de la famille et se fit promettre qu’on lui donne des nouvelles des enfants. Le scooter nous attendait sur le devant de la maison, nous partîmes tous les trois, moi au milieu et Simon derrière. J’avais l’impression de retrouver ma jeunesse, quand nous parcourions les rues d’Epinay à la recherche d’un tabac ou d’un bistrot.

Il ne nous fallut pas très longtemps pour rejoindre le côté du camp, là nous avions repéré un passage possible. Dans le hangar de mamie yoyo, nous avions trouvé des limes et une tenaille. Les outils étaient rouillés, mais ils devaient pouvoir faire leur office. Un coupe-boulons aurait été une meilleure affaire, mais point de ce genre d’attirail.

Il fallait composer avec les groupes de miliciens. C’était à croire que la ville n’était plus qu’un casernement de miliciens. Ils se multipliaient comme les petits pains, mais Jésus n’y était pour rien. Très vite, nous avons abandonné le scooter pour continuer à pied. Plusieurs fois, nous eûmes à peine le temps de nous jeter dans le fossé, ou bien enjamber une clôture pour nous cacher. Je n’avais plus qu’un souhait, rentrer chez moi, oublier Nour et ses enfants, Bassem et son gardien de la galaxie des Tortors.

Allongés dans les hautes herbes, bouffés par les moustiques, nous attendions le énième tour de garde pour finir d’entailler le grillage. Un trou pour le passage d’un homme nous a pris une bonne heure, car la tenaille était bien trop usagée. Nous attaquions le métal à la lime et la râpe. Nous étions sur le point d’en finir lorsque apparût soudainement un groupe d’hommes armés. Ils n’étaient pas en tenue et ne ressemblaient pas à des miliciens. On aurait dit des chasseurs. Nous patientâmes en observant scrupuleusement leur manège. Ce fut à cet instant que Bassem remarqua une pancarte qu’il désigna du doigt. Je levais le nez ‘chasse gardée’. Un des types me repéra et s’approcha de moi.

- Mon gars, faut pas rester là, vous savez pas lire ?

Et il désigna la pancarte au pied de laquelle j’étais allongé. Ridicule pour ridicule, je préférais la position débout et je me levais.

- Mais c’est une zone de triage pour les trains, y a pas de gibiers ici, ne pus-je me retenir de faire remarquer.

- Depuis le confinement, ça sert aussi de zone de chasse. Les zones de triage et de chasse se sont superposées pour faciliter les recoupements.

Et au moment où nous parlions, un coup de feu retentit.

- Un chevreuil, on a eu un chevreuil !

Deuxième, puis troisième coup de feu.

- C’est bon, on a notre quota !

Un sanglier et un lapin de Garenne gisaient sur le sol, pas très loin de nous. Bassem me fit signe de le suivre au lieu de discuter avec des chasseurs du contenu de leur gibecière. Le trou était suffisamment large pour que nous passions les uns derrière les autres. Je fus le seul à accrocher mon pantalon, signe que je n’avais pas maigri tant que ça. C’était certainement à cause du foie gras qu’on s’était enfilé toute la nuit accompagné de confiture à la fraise mangée à même le pot avec nos gros doigts.

Une fois de l’autre côté de la clôture, je vérifiais tout de même qu’il s’agissait toujours de même camp d’internement, celui de Bergerac. Bonne nouvelle, c’était encore lui. Par contre, les dimensions n’étaient plus les mêmes, il recouvrait à peine la surface d’un terrain de handball !

Jour 58

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Commentaires
O
Nous remercions notre charmant lecteur pour sa contribution à la vie culturelle du Blog et Pierre Loti pour ses nombreux voyages à travers le monde, mais nous regrettons qu'il n'ait pas poussé ses explorations jusqu'à la Seine-Saint-Denis terre de contraste et lumière où il a fait bon mourir dans le dénuement et la misère. Heureusement ce n'est plus cas, sinon ça se saurait !
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J
Pierre Loti, dont une grande partie de l'œuvre est d'inspiration autobiographique, s'est nourri de ses voyages pour écrire ses romans, par exemple à Tahiti pour Le Mariage de Loti (Rarahu) (1882), au Sénégal pour Le Roman d'un spahi (1881) ou au Japon pour Madame Chrysanthème (1887). Il a gardé toute sa vie une attirance très forte pour la Turquie, où le fascinait la place de la sensualité : il l'illustre notamment dans Aziyadé (1879), et sa suite Fantôme d'Orient (1892).
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  • Le voyageur internautique se propose de vous retrouver au fil des réseaux et des ondulations de la toile pour un banquet sidéral au son des ruminations mentales qui l'habitent ... Affaire à suivre !
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