Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le voyageur internautique
12 mai 2020

Chronique d’un enfermement : jour 13

Chronique d’un enfermement

La fiction, c’est un retour sur soi, mais dans le bon sens !

accès début (jour3)

enfermement coul

Il y eut ce passage à l’hôpital.

J’avais douté, mais non, il s’agissait bien d’une réalité. Mais une réalité qui avait la fâcheuse tendance à m’échapper. Je me souviens très bien du muret sur lequel j’étais accoudé à appeler Issam pour lui remettre sa lettre. Je revois tout aussi bien l’instant d’après lorsque j’enjambai le muret et me retrouvai aux pieds de Nour à la suite d’une galipette minable. Le seul souci, il manquait deux jours. Deux journées entières passées à l’hôpital. Ma mémoire se reconstruisait au fur et mesure de l’écoulement du temps. Je pouvais me représenter ce mouvement comme une superposition de feuillets. Il suffisait de glisser de l’un à l’autre pour que le déroulement des évènements se réactualise.

La pandémie en était à ses débuts et on n’imaginait pas vraiment les ravages qu’elle allait occasionner. Un type à moto m’avait retrouvé sur la route du Quai de la Marine à hauteur du parc de l’Ile Saint-Denis, sans connaissance. Le brave homme avait appelé les secours. Lorsque je repris mes esprits, j’étais installé sous une tente en plastique, alimenté en oxygène par un respirateur. Un médecin pointait le bout du nez de temps à autre pour vérifier les constantes sur le monitoring. Il était habillé en cosmonaute plastifié de haut en bas. Il me fallut un peu de temps avant de m’adresser à l’un d’entre eux. Ils entraient et ressortaient aussi vite qu’un courant d’air. Je voulais savoir ce qui m’arrivait, en quoi consistait ma maladie. Je regrettais de ne pas m’être suffisamment intéressé à cette maladie. Je savais seulement qu’on ne savait rien.

J’ai dormi la plupart du temps, certainement à cause des sédatifs qu’on m’injectait. Mais le peu de temps où j’étais éveillé, je constatais que tout autour de moi les gens s’agitaient dans un flou dont la cause était la toile plastifiée qui m’isolait du monde extérieur. Ce ne fut qu’en fin de journée qu’on vint me parler.

- Excusez-nous, commença un interne cosmonaute, nous sommes débordés, les malades arrivent en grand nombre. A priori, bonne nouvelle, vous avez résisté à la maladie. On vous garde encore un jour pour vérifier que tout va bien.

Je demandais en quoi consistait la maladie en question. Le jeune interne m’indiqua que pour ce qu’ils en apprenaient au jour le jour, elle attaquait le système cérébral, provoquant des étourdissements et des pertes de connaissance. Il ajouta, que certains chanceux dans mon genre passaient à travers sans séquelles.

Ce fut que lorsqu’il quitta la salle que je remarquai la présence d’un type au garde-à-vous à la tête de mon lit. Tout comme le médecin qui venait de me rendre visite, il était habillé de plastique et portait les mêmes bottes et les mêmes gants bleus. La différence, il avait un fusil-mitrailleur en travers de l’abdomen. Je tentai de m’adresser à lui, mais le bonhomme, ou la bonne femme d’ailleurs, je n’aurais pu le deviner, refusait obstinément de me répondre. Je penchais pour un homme, à cause de l’arme. La guerre, c’est les hommes, les femmes, c’est les enfants. En pensant ça, j’eus un moment de frayeur. Et si mes neurones en avaient pris un coup !

Devant cette présence silencieuse, je ne voyais qu’une solution, continuer mon activité principale : dormir. C’était celle qui me réussissait le mieux.

Au petit matin, je fus sorti de mon lit manu militari « Faut quitter la chambre monsieur, on a besoin de la place ! » me hurla un cosmonaute. L’homme au fusil-mitrailleur eut enfin une utilité, celle de me pousser à l’aide de sa crosse pour je m’active. Le cul à l’air, dans un état comateux, accompagné d’un milicien, je remontais un long couloir pour atterrir dans une autre aile. Une infirmière m’ouvrit la porte d’une nouvelle chambre, je lui offris ce que je pus comme sourire contrit compte tenu de la situation humiliante. J’ajoutai un « Bonjour mademoiselle ! » pitoyable. Elle se contenta de m’indiquer du doigt le lit qui m’attendait et une grosse seringue. Ma frayeur fut décuplée, j’aime pas les piqûres.

Jour 14

Publicité
Publicité
Commentaires
Le voyageur internautique
  • Le voyageur internautique se propose de vous retrouver au fil des réseaux et des ondulations de la toile pour un banquet sidéral au son des ruminations mentales qui l'habitent ... Affaire à suivre !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité