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Le voyageur internautique
11 avril 2020

Chronique d’un enfermement : jour 31

Chronique d’un enfermement

Qu’importe la fiction pour peu qu’elle soit vraisemblable !

accès début (jour3)

enfermement coul

« Que faites-vous dehors à l’heure du couvre-feu ! » hurla le milicien.

Il s’agissait d’un grand type bourru à l’allure martiale. Il était rasé de frais, blond aux yeux bleus. Son visage lui donnait un air poupon que démentait le reste du corps, figé, comme au garde-à-vous. Il portait à la ceinture la traditionnelle matraque de la milice qui pouvait se transformer très rapidement en matraque électrique. A ses côtés, un petit bonhomme tout l’inverse de notre colosse. Il avait une barbe naissante, d’épais sourcils noirs et le képi rejeté en arrière. Légèrement en arrière, il semblait s’ennuyer. Il consulta sa montre « On devrait avoir fini, tu es certain que… » Le grand blond lui jeta un regard mauvais qui suffit à le faire taire.

- Alors, cette réponse, elle vient, reprit le milicien qui me tenait fermement par le haut de ma veste, juste sous le menton.

- Je vais voir pépé, répliquai-je.

C’était la seule idée qui m’était venu à l’esprit. Je regardais tristement mon vélo abandonné sur le sol. Je ne sais pas très bien pour quelle raison la vision de ce pauvre gisant provoquait chez moi un tel sentiment. Je crois bien que je l’associais inconsciemment à l’enterrement de ma mère. En disant ceci, je réalise que je mets sur le même plan un être cher et un piteux engin dont on ne donnerait pas un sou en brocante. Il y a dans l’esprit humain une propension au collage des sentiments qui peut expliquer certaines maladies mentales. A chaque fois que je conçois de ces pensées incongrues, vous allez rire, mais je pense à la tête que ferait ma femme et je les chasse de mon esprit aussitôt.

- Vous vous foutez de ma bobine, gueulait le milicien tout en me secouant comme un prunier.

Le fait d’agir ainsi eut deux inconvénients, la tête me tournait et je ne pouvais répondre qu’en bégayant. Au bout de trois ou quatre ébranlements, je pus enfin articuler une explication hasardeuse.

- Pépé, c’est mon beau-père… Il est en maison de santé… Et on nous a appelés pour venir de toute urgence… car il est prêt de mourir.

- Quels sont l’adresse et le numéro de téléphone ?

Et là, je tombais sur mon cul, car l’homme venait de me lâcher. J’avais le tournis. Ma femme avait peut-être eu raison de mettre en garde. Finalement, je n’étais pas si vaillant que ça. « Debout ! » Je m’exécutais en prenant tout mon temps afin de laisser à mon cerveau un peu temps afin de fournir une théorie appropriée pour me sortir de ce pétrin.

- Je ne me les rappelle plus…

C’était léger comme théorie et elle avait peut de chance d’aboutir à quoi que ce soit sinon un secouage complémentaire pour m’apprendre à dire des menteries. Ce sont les caillasses qui me sauvèrent. Celles qui volaient dans l’air.

- Les salauds, la bande du soixante-dix-sept. Ils nous attaquent.

- Je t’avais bien dit qu’on aurait mieux fait de rentrer.

- Vous, vous ne bougez pas, on s’occupera de votre cas plus tard !

Les voilà partis en cavalant, leur matraque levée bien haut, tout en proférant une bordée d’injures en règle. Profitant de la situation, je relevai le souvenir de ma mère à deux-roues, je grimpai de dessus et filai sans demander mon reste tout en remerciant pépé.

Jour 32

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