Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le voyageur internautique
3 mai 2020

Chronique d’un enfermement : jour 53

Chronique d’un enfermement

La fiction du matin est un soir sans concession !

accès début (jour3)

enfermement coul

La nuit avait été mauvaise. Dormir sur des lits en ferraille placés les uns au-dessus des autres avait été difficile. Les grincements occasionnés par le moindre mouvement produisaient un bruit continu. Les pets malodorants se mélangeaient aux effluves de la fosse septique. Au petit matin, réveil en fanfare et appel devant chaque baraquement. Corvée de seaux, consistant à entretenir l’aspect général du camp. Venant d’arriver, j’avais donc été désigné d’office pour faire le tour de notre espace de confinement. J’avais balayé le chemin soulevant une poussière irritante. Je fis part de ma remarque au milicien qui m’accompagnait « Tu vas la finir ta corvée connard ! » Sur ces conseils avenants, j’avais continué à promener mon nuage de poussière devant moi. A sept heures trente, on avait eu notre petit-déjeuner. Pain dur, café tiède communément appelé jus de chaussette et une pomme. Pomme molle qui avait dû naître l’année d’avant et conservée soigneusement en frigo pour nous être livrée et entassée dans un quelconque hangar.

J’avais passé la journée à la recherche de Simon et Bassem. Un type qui était là depuis un bon moment et qui parlait français m’expliqua qu’il n’y avait jamais eu de gens nommés ainsi. Un Simoneau, reparti car affecté ici par erreur et un Bissim et un Bakir. Je demandais à les rencontrer au moment de la promenade, ni l’un ni l’autre n’était mon Bassem.

Dépité, j’avais essayé de comprendre ce qui m’était arrivé. J’en arrivais à la seule conclusion qui ait un sens, j’avais eu une hallucination. Hallucination confirmée par le type qui m’avait tapé dans le dos la veille. « Toi parler tout seul avec poteau ! Toi toctoc ! » Tint-il à m’expliquer une nouvelle fois.

Le soleil avait arrosé sans compter notre camp d’une chaleur étouffante. Même les joueurs de foot avaient abandonné l’idée de courir après une balle en papier. Aussi, l’arrivée du soir fut saluée par tous. Une petite brise légère nous apporta un peu d’air. Le repas avait été infâme comme de coutume. Des patates au lard sans lard et baignant dans un bouillon peu ragoûtant. En dessert, un kiwi avec lequel on aurait pu facilement compenser le manque de pavés pour fomenter une révolte.

Il était onze heures du soir, les miliciens nous avaient laissés tranquilles pour profiter de la fraîcheur. Chacun faisait partie d’un petit groupe réuni par affinité. Devant la porte, les Syriens, un peu plus loin, les Marocains et les Algériens. Enfin, sur l’arrière, les « Africains ». On y trouvait un Congolais quelques Sénégalais et des Rwandais. Etant le seul à faire un groupe de « Blanc » je continuais à déambuler dans le camp.

Au même endroit, tout prêt du poteau, sur l’arrière du camp, il était là, le nez en l’air, les mains dans les poches. Je crus encore à une hallucination et je poursuivis mon tour. Revenu au lieu de l’apparition, je constatais que l’apparition persistait à apparaître. Au troisième tour, je tentais une approche. « Simon, c’est toi ? » Je pris une mandale qui m’envoya au sol et perdis connaissance. Ce sont les coups de pompes du milicien qui hurlait sa phrase préférée « Tu vas la fermer, sale métèque ! » alors que, premièrement, je ne disais rien et deuxièmement, je n’étais pas plus métèque que lui. Je compris à la direction de son bras tendu qu’il voulait me signifier par là que c’était l’heure de rentrer.

- Et lui, lâchais-je lâchement pour désigner Simon.

- Tu vas la fermer, sale métèque !

Je décidais donc de la fermer et de considérer que dans la définition de métèque, il y avait mon cas de figure. Et je rentrais sagement dans mon baraquement. Mais une chose me chiffonnait. Pour quelle raison Simon m’avait-il filé un tel coup à la figure ? Et deuxième question, est-ce que les hallucinations avaient une consistance suffisante pour marquer la figure d’un hématome rouge violacé !

Jour 54

Publicité
Publicité
Commentaires
Le voyageur internautique
  • Le voyageur internautique se propose de vous retrouver au fil des réseaux et des ondulations de la toile pour un banquet sidéral au son des ruminations mentales qui l'habitent ... Affaire à suivre !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité